ATTAQUE VIOLENTE CONTRE LES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME AU CAMEROUN : l’incroyable post de Baa Yan Mbe Haiwe !
Ce 10 décembre 2024 journée mondiale des droits de l’Homme, le Cameroun se trouve, comme par un sinistre hasard, confronté à l’une des plus violentes et vicieuses attaques contre les droits de l’Homme. Une attaque qui, pour mieux désarmer les brebis avant de fondre sur elles, commence donc par s’en prendre aux bergers : une vague de suspensions d’organisations nationales de défense des droits de l’Homme : REDHAC, NDH, etc. Au moment où sur la place internationale et suite à la multiplication d’affaires horrifiantes (Longue Longue, Me Tamfu…) le roi Cameroun est de plus en plus nu (« Name and shame », comme l’on dit), certains envisagent donc de casser le thermomètre pour espérer faire disparaitre la fièvre. C’est alors que la société civile (associations et personnalités) décide de ne pas se soumettre au diktat du droit de la force donc abuse de plus en plus le système, et commence à se mobiliser dans l’espace médiatique. On peut suspendre des organisations, sceller leurs espaces de travail ; cela, le pouvoir en place sait le faire. Quid des mouvements d’opinion ? C’est alors que des acteurs comme le sieur Baa Yan Mbe Haive entrent en jeux, et démontrent que le pouvoir entend mener une offensive contre les droits de l’Homme sur tous les terrains. Mais qui est donc ce Baa Yan Mbe Haive, et que faut-il retenir de l’argumentaire qu’il déploie avec une énergie de bûcheron ?
- Baa Yan Mbe Haive nous offre un profil plutôt étonnant dans notre société d’hypocrites et de sournois, celui d’un adversaire décomplexé des droits de l’homme. Sur sa page X ex-Twitter, on peut lire cette incroyable déclaration : « Le terrorisme appelle à mettre de côté les droits de l’homme. Tuer sur la place publique tout suspect sans aucune forme de procès. » Bigre, comme il y va ! C’est quoi le terrorisme, au fait ? Personne n’a jamais véritablement réussi à le définir. S’il suffisait de se baser sur l’étymologie du mot (faire naître et entretenir la terreur pour avancer ses objectifs idéologiques, politiques ou autres), nombre d’Etats en commençant par le nôtre seraient d’office terroristes. Mais dans l’univers politique, la question non résolue du degré à partir duquel un acte susceptible de faire peur (à qui ? peu importe) devient un acte terroriste a fait classer sans états d’âme nombre d’actions de résistance simple au rang d’actes de terrorisme. Ainsi, une marche pacifique du MRC ou de tout autre entité opposée au système établi devient ipso facto un acte terroriste justiciable devant les tribunaux militaires compétents en la matière. Mais là, nous parlons encore de légalité, autant dire qu’on ne va pas assez loin du point de vue de M. Baa Yan Mbe Haive qui préconise quelque chose de plus simple et radical : « tuer sur la place publique tout suspect sans aucune forme de procès ». Tout coupable ? Non ! Il suffit que la personne soit suspecte. Vous voyez donc à qui nous avons affaire ! Quand on a un tel pedigree en face, est-il encore besoin de s’interroger sur la nature et l’orientation des propos ? Je ne crois pas. Parce que le fond de sa pensée n’est que peu susceptible de varier peu en importe les occurrences.
A titre d’exemple, la déclaration suivante : « Il est essentiel de rappeler que le droit d'association, bien que consacré par notre Constitution et le PIDCP, n'est pas un droit absolu. Ce principe fondamental est sujet à des restrictions, notamment lorsque des préoccupations de sécurité nationale et d'ordre public sont en jeu. » n’est que la réplique du propos que nous avons analysé plus haut : « Le terrorisme (les préoccupations de sécurité nationale et d'ordre public) appelle à mettre de côté les droits de l’homme (le droit d'association, bien que consacré par notre Constitution et le PIDCP). » Du sur mesure. Le reste de son propos n’est que radotage. Se plaint-il du caractère élitiste de l’initiative de la mobilisation pour la défense des droits de l’Homme ? C’est comme de dire que les pieds ne doivent surtout pas servir à marcher : quel serait le rôle d’une élite si celle-ci se dérobait devant sa responsabilité de prendre parti pour les sans-défense ? Si elle cessait de donner l’exemple, de montrer la voie ? Autre chose : que dire de cette affaire de 16 milliards que l’on agite comme un chiffon rouge devant l’opinion ?
Dans un pays comme le Cameroun où l’unité de détournement de fonds publics est depuis longtemps le milliard, l’on s’est habitué à en parler avec beaucoup de légèreté. Mais un milliard, même en francs CFA, cela reste une montagne d’argent dans un pays comme le Cameroun. Avec 16 Milliards de FCA, deux organisations bien conseillées transformeraient entièrement, de fond en comble, le paysage sociopolitique camerounais, et le pouvoir d’Etat n’y pourrait pas grand-chose. Mais le pouvoir est mieux placé au Cameroun pour savoir et craindre ce qu’il est possible de réaliser avec des milliards, puisqu’il s’adonne avec succès à cet exercice depuis une presque éternité. Cette phobie particulière du système (je veux dire de voir des milliards qu’il a l’habitude de contrôler seul tomber dans d’autres mains) attire d’ailleurs l’attention sur l’arme du financement dans la lutte à mort que le pouvoir en place mène avec une détermination décomplexée contre toutes les forces du changement.
Pour le reste, M. Baa Yan Mbe Haive se contente de distiller avec une grossière adresse des accusions qu’il se garde d’assumer (il utilise le conditionnel) : le REDHAC aurait financé le terrorisme dans le NOSO. Et il le fait sur la foi « d’éléments de preuve fournis par l'Agence d'Investigation Financière, datés du 7 juin 2021 », mais insusceptibles de publication (pas tout à fait inattendu n’est-ce pas ?) : « Les éléments de preuve fournis par l'Agence d'Investigation Financière, datés du 7 juin 2021, mettent en lumière des activités de certaines ONG, dont le REDHAC , qui auraient non seulement dévié de leur mission d'intérêt général mais auraient également été impliquées dans le financement du terrorisme dans le NOSO. Cette information, relevant du secret défense, ne peut pas être divulguée sans compromettre la sécurité nationale, contrairement aux demandes des signataires de la déclaration. » Comme c’est commode ! En clair, nous avons les preuves de vos crimes, mais nous ne pouvons les présenter au public sans mettre en danger la sécurité nationale. L’opinion est donc obligée de nous croire sur parole. Quel cynisme !
Roger KAFFO FOKOU, écrivain.
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