Ban Ki-moon, l’homosexualité et le sommet de l’UA
Par Roger KAFFO FOKOU, auteur de Demain sera à l’Afrique, l’Harmattan, 2008
L’offensive occidentale en faveur de l’homosexualité se poursuit et s’intensifie en Afrique. Et pour faire avancer cette cause douteuse, tous les moyens semblent bons, en commençant par les plus subtils, telle une discrimination à l’endroit de tous ceux qui ne cèdent pas à la campagne en faveur des gays, lesbiennes et autres transgenres. Aussi, de plus en plus, les intellectuels et hommes de culture, s’ils ne rejoignent pas le camp des homophiles pratiquants, s’astreignent à la connivence. Cela leur évite d’entrer dans les petits carnets noirs de l’Occident et de perdre toute chance d’être cooptés pour de petites commissions souvent inutiles mais lucratives. Il y a déjà quelques temps, deux brillants intellectuels camerounais, Achille Mbembe et Célestin Monga, dans un échange fleuve publié par le journal Le Messager, trouvaient qu’il n’existe aucune base morale pour juger des orientations sexuelles d’un individu. Dans un autre article plus tard, Achille Mbembe n’a pas hésité à affirmer, sans en donner la moindre preuve, que l’homosexualité s’est toujours pratiquée dans les traditions africaines. C’est dire qu’allègrement, certains ont franchi le pas qui sépare la connivence de la complicité. Il existe donc un courant homophile en Afrique, si minoritaire soit-il, et l’Occident ne demande qu’à l’aider à prendre de l’intensité. Il y a peu l’Union européenne a offert un petit paquet de millions à une Camerounaise à qui l’on avait au préalable fait une réputation afin d’en faire la croisée locale de l’homophilie. La levée instantanée de boucliers, surtout venant des jeunes, a rapidement refroidi les ardeurs de celle-ci, pour un temps seulement. Le président américain Barack Obama quant à lui a appelé il y a quelques jours à mettre la discrimination contre les homosexuels au cœur de la diplomatie américaine. Et le Premier ministre britannique David Cameron est allé jusqu'à menacer fin octobre 2011 d'exclure des programmes d'aide britanniques les pays qui ne reconnaissent pas les droits des homosexuels. Voici que ce 29 janvier 2012, Ban Ki-Moon, le Secrétaire Général de l’ONU, est venu en personne faire la leçon aux présidents africains réunis à Addis-Abeba. Pourquoi un tel acharnement ? La grande majorité des Africains ont-ils tort de vouloir à tout prix lutter contre l’homosexualité ?
Peut-on valablement défendre la thèse selon laquelle l’homosexualité est un droit de l’homme ?
Naît-on homosexuel comme certains naissent gauchers ? En d’autres termes, l’homosexualité est-elle innée ou culturelle ? Il est pour l’instant difficile de répondre scientifiquement à cette question. La frontière entre nature et culture est parfois véritablement subtile et mobile, d’autant que la culture (l’habitude) peut devenir une seconde nature. En tous cas, ceux qui luttent pour les droits des homosexuels ne font qu’un avec ceux qui pensent qu’il s’agit en fait d’une orientation toute naturelle, et pour cette raison, ils pensent qu’elle échappe à tout jugement éthique. Tout au plus peut-on y appliquer un jugement esthétique. L’ennui, c’est qu’une fois admis, ce raisonnement ouvre une brèche : car dès que l’on a admis l’homophilie, comment fermer la porte à la zoophilie, à la scatophilie et toutes les autres formes de « philies » connues et à venir ? Si une orientation sexuelle en vaut bien une autre, jusqu’où nos sociétés sont-elles prêtes à aller pour sacrifier à la divinité du plaisir, à un Eros handicapé, amputé de sa fonction reproductrice ? Comment comprendre qu’un phénomène, qui scandalisait l’Occident il y a peu, soit en train de conquérir inexorablement l’opinion de cette même zone du monde et d’y percer le blindage des dispositifs législatifs ? Comment comprendre qu’il soit devenu l’un des produits d’exportation phares de ce même Occident en direction du reste du monde ?
En laissant à ceux qui peuvent la démontrer l’hypothèse irrationnelle selon laquelle il s’agit d’une pratique associée à des rites ésotériques, l’on peut se demander s’il ne s’agit pas en fait du résultat d’une démission, une de plus, devant la culture de la jouissance sans responsabilité qui se nourrit de la permissivité associée à une certaine conception de la démocratie, laquelle dans un autre cadre a enfanté la dérégulation et la financiarisation à outrance de l’économie. Dans une culture de la jouissance en effet, tout ce qui fait hurler de plaisir ne peut être que bon. Sur cette pente-là, il faut le dire, l’arsenal des droits de l’homme n’a pas fini de prendre du volume et les codes de demain nous réservent bien des surprises. Reste à comprendre pourquoi le message homophile qui passe si bien en Occident a autant de mal à passer en Afrique indifféremment de la zone considérée.
Ce qui différencie l’Occident de l’Afrique face à l’homosexualité
En Occident, il existe une tradition homophile acceptée jusqu’à un certain point qui est très ancienne. Dans les cités grecques anciennes, l’homosexualité n’était pas seulement reconnue, elle était encouragée pour ne pas dire organisée au sein de l’armée. Beaucoup d’hommes passaient l’essentiel de leur vie dans l’armée, en caserne, sur des fronts éloignés, et s’arrangeaient entre hommes pour régler les besoins liés à leur libido. Ainsi, Alexandre le Grand aurait eu plusieurs amants dont un certain Bagoas mais surtout le fidèle Héphaestion dont la mort fit si mal au grand homme. Certains historiens donnent l’exemple du bataillon dit sacré, à Thèbes en Cadmée. C’était un bataillon de 300 soldats organisés en 150 couples d’amants. L’homosexualité est également attestée dans la Rome préchrétienne, et il semble que sa condamnation et son déclin y soient contemporains de la montée en puissance du christianisme. Cette thèse s’harmonise en effet avec celle d’une pratique liée à une culture du plaisir et de la jouissance que serait venue tempérer l’austérité du christianisme alimentée par le platonisme et le néoplatonisme. De même, l’affirmation publique de l’homosexualité curieusement coïncide avec un déclin prononcé de la foi chrétienne dans l’ensemble de l’Europe.
En Afrique, il semble qu’il n’y ait pas eu véritablement de pratiques homosexuelles attestées dans l’antiquité. Les divinités égyptiennes sont rigoureusement des couples de sexes opposées et une situation homosexuelle est mentionnée dans la mythologie égyptienne mais sous un jour peu favorable. Dans le combat qui oppose Seth, le dieu du mal égyptien à son neveu Horus le fils d’Isis et d’Osiris, Seth tente comme ultime recours l’arme de l’homosexualité : « Seth accepta le décret divin et invita Horus à sa table. A la nuit tombée, il fit préparer un lit et ils se couchèrent l’un près de l’autre. Dès que Horus fut endormi, Seth se jeta sur lui et l’agressa sexuellement pour affirmer sa domination » . Il échoua et plus tard Horus retourna le stratagème contre lui avec succès, mais par une sorte d’insémination artificielle avant le nom et non par voie sexuelle. Le narrateur conclut que « Ainsi Horus établit sa domination sur son parent ». Que retenir de ce récit ? D’abord que la pratique de l’homosexualité dans l’Egypte ancienne est associée au dieu du mal ; qu’elle est considérée comme une pratique négative, n’ayant rien à voir avec l’expression de l’amour, son objectif étant au contraire la quête de la domination. Et même lorsque Horus le dieu du bien retourne contre Seth cette arme-là, il s’arrange pour éviter une sexualité apparemment inacceptable et recourt plutôt à l’insémination artificielle. La tradition égyptienne ancienne la plus sacrée est donc clairement non favorable à l’homosexualité et l’on peut comprendre que les traditions africaines postérieures à l’Egypte pharaonique aient conservé la même aversion, de même que, à l’opposé, les traditions occidentales, malgré et au-delà du christianisme, semblent plus enclines à retrouver la mémoire séculaire de l’acceptation grecque des amours homosexuels.
Cultures et traditions, voilà une ligne qui semble résister victorieusement à l’œuvre du temps par-delà les siècles et même les millénaires. Certains faits nous confortent dans l’idée que malgré tout, jamais la mémoire culturelle ne s’efface complètement : elle s’endort parfois jusqu’à l’oubli mais dans certaines circonstances ne peut s’empêcher de se réveiller pour se souvenir. Que ce soit Barack Obama, David Cameron ou Ban Ki-Moon, avant de venir prêcher en faveur de l’homosexualité sur les tribunes africaines, eux qui par ailleurs condamnent sans réserve la polygamie, ils devraient tous se rappeler que l’Afrique a une histoire et une culture. C’est probablement ce message-là qu’un certain nombre de chefs d’Etat africains leur envoient sous la forme d’un renforcement du dispositif légal mis en place pour réprimer les pratiques homosexuelles. Si l’homosexualité est si précieuse pour l’Occident, pourquoi ne pas la breveter pour la vendre ensuite à ceux qui seront convaincus de l’intérêt qu’ils peuvent en tirer ? Cette inhabituelle magnanimité qui pousse le bouchon jusqu’à récompenser d’espèces sonnantes et trébuchantes toutes les victimes du prosélytisme homophile n’est-elle pas pour le moins suspecte ?
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