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BOKO HARAM ET LE CAMEROUN : l’Etat camerounais a constamment ignoré la sonnette d’alarme

Le Cameroun peut-il succomber à l’intégrisme religieux ? La question est d’autant importante que depuis quelques jours, les adeptes de la secte Boko Haram qui sévissent au nord du Nigeria établissent des ponts qui les mènent au nord du Cameroun. Dans Cameroun : liquider le passé pour bâtir l’avenir, nous attirions déjà, dès 2009, l’attention sur deux faits importants. D’un : le nord du Cameroun fait partie d’une zone géographique qui comprend le nord du Nigeria et une bonne partie du sahel qui constituait l’ancien Soudan français, et le Tchad, le nord de la république centrafricaine. Cette zone partage le peuplement et la religion. Le referendum de 1961 que l’Etat du Cameroun perdit dans le Northen Cameroons dont les populations préférèrent se rallier au Nigéria traduisait cette réalité qu’il faut toujours garder à l’esprit. De deux : une tendance fondamentaliste de l’islam est présente dans le nord du Cameroun depuis pas mal de temps déjà. Lors d’un déplacement à Lagdo en septembre 2010, nous avions pu y trouver une importante communauté musulmane vivant à l’écart des autres populations, et dont les femmes portaient le voile intégral. Si les responsables de la secte Boko Haram recrutent dans le nord du Cameroun, c’est d’abord parce qu’ils y trouvent un terreau fertile à leur prédication. L’Etat du Cameroun, s’il veut lutter efficacement contre ces influences pernicieuses, doit donc aller au fond de la question et non s’en tenir aux symptômes visibles. Voici ci-dessous un extrait que la publication sus-mentionnée, dans lequel nous disions clairement à l’Etat du Cameroun qu’il y avait un danger extrémiste susceptible à tout moment de menacer ce pays.

« Lorsque l’islam et le christianisme débarquent au Cameroun au XIXè siècle (l’islam avec Modibbo Adama et le christianisme avec Joseph Merrick et Alfred Saker respectivement en 1843 et 1845), ils ne trouvent pas une terre vierge sur le plan religieux. La spiritualité locale fondée sur le culte des ancêtres sera cependant combattue sous toutes ses formes et les deux religions conquérantes, l’islam venant par le nord, le christianisme par la côte sud –ouest vont se partager le territoire en zones d’influence dont la frontière se situe dans la région des plateaux de l’Adamaoua. Si le Cameroun a su jusqu’ici se préserver des conflits religieux, on le doit au caractère modéré de l’islam camerounais et à la clairvoyance du premier Président du pays, Ahmadou Ahidjo, qui en 25 ans de règne n’a rien fait pour porter atteinte au caractère laïc de l’Etat (Ses parrains occidentaux le lui auraient-ils permis ?). Il n’était cependant pas loin de penser que l’islam faisait partie de l’identité du nord du pays et n’a donc pas eu une politique équilibrée envers les populations dites « animistes » ou christianisées de cette zone : « Après  l’indépendance,  1’UC  (devenue  UNC  en  1966) consolida sa  position  monopoliste  dans  le Nord,  alors que  le  régime Ahidjo et le parti veillèrent  à  ce  que  les postes  administratifs  importants  au  (2)  niveau  régional (gouverneur,  préfet, sous-préfet)  ne  soient  occupés  que par  des  musulmans » . Ces populations non musulmanes ont d’ailleurs longtemps nourri un complexe de marginalisées qui les a poussées à accueillir avec soulagement l’accession de M. Paul Biya, un chrétien catholique,  à la présidence de la république en 1982. En effet, l’accession de M. Paul Biya à la présidence de la république a mis un terme à l’hégémonie des Foulbés dans les structures étatiques et politiques du pays et réduit les pressions à l’islamisation dont les Kirdis n’avaient cessé  d’être victimes depuis les indépendances.


Cette évolution ne semble toutefois pas irréversible compte tenu des faits récents enregistrés dans la partie septentrionale du Cameroun et que Sylvestre Tetchiada rapporte dans un article de ISPNEWS en date du  08 février 2004 : « Une agitation sur fond de fanatisme religieux et de haine secoue les provinces du Nord et de l'Extrême-Nord du Cameroun, appelant les musulmans à exercer la violence contre les chrétiens de ce pays d'Afrique centrale ». Dans cet article, il rappelle qu’au Cameroun « La question des antagonismes religieux n'est pas nouvelle. Des heurts entre musulmans et chrétiens ont été enregistrés souvent dans le pays, notamment en juin 1991 dans un quartier de Yaoundé; en 1993 à Tibati dans la province de l'Adamoua; en 2001 à Bertoua, chef-lieu de la province de l'Est. Mais ces heurts, qui n'ont fait que des blessés, n'ont cependant jamais perturbé le fonctionnement normal du pays » et cite un témoignage sérieux, celui de l’administrateur préfectoral de la Bénoué d’alors depuis devenu Gouverneur de région, M. Lélé Lafrique pour qui « Aujourd'hui plus qu'hier, un courant extrémiste menace l'unité nationale si chèrement acquise ». Le danger extrémiste existe donc bel et bien au Cameroun mais beaucoup y compris des autorités scientifiques  préfèrent pointer du doigt des causes exogènes : « des incantateurs et autres prophètes du malheur, en provenance de certains pays étrangers voisins ou non, peuvent recruter des adeptes afin de répandre leurs idées funestes » , commente M. Mbonji Edjenguele, anthropologue à l’Université de Yaoundé I ».

Cameroun : liquider le passé pour bâtir l’avenir, l’Harmattan, 2009



21/01/2012
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