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Disparition d’Enoh Meyomesse : arrestation ou enlèvement ?

Les faits peuvent donc être considérés comme établis : arrêté et incarcéré le 9 novembre 2011 à la gendarmerie de Bertoua, l’écrivain et homme politique d’opposition Enoh Meyomesse a disparu et, incontestablement, sa  vie serait en danger. Le pouvoir, habituellement si prompt à démentir ce type d’information, garde jusqu’ici un silence épais comme un mur de prison de haute sécurité. Un silence coupable ? Le temps le dira de toutes les façons. Y a-t-il la moindre chance pour que l’illustre prisonnier ne soit pas aux mains de l’appareil répressif du pouvoir ? Le pouvoir aurait déjà fait valoir celle-ci en s’exprimant publiquement sur le sujet, un sujet suffisamment grave pour justifier une telle intervention. Mais le pouvoir a jusqu’ici choisi de se retrancher derrière un mutisme méprisant ou coupable. C’est donc le pouvoir qui a, non pas arrêté Enoh Meyomesse puisqu’il ne veut pas le reconnaître, mais enlevé. Si Enoh avait été pris pour un délit ou un crime de droit commun, il serait détenu par les appareils de la justice officielle. Or comme le témoigne certains organes de presse « Nos recherches dans les différents commissariats et à la prison centrale de Bertoua ont été vaines ». Pourquoi détiendrait-on au secret un homme, de la stature d’Enoh Meyomesse, écrivain, homme politique, président de l’Association Nationale des Ecrivains Camerounais, s’il n’était prévenu mais présumé innocent – comme le dispose le nouveau code de procédure pénale – qu’en raison d’une accusation de commission d’un crime de droit commun ? Le pouvoir, qui se plaît ces derniers temps à embastiller ses propres serviteurs se serait empressé de le clouer au pilori, afin qu’il y meure de honte. Or cela, le pouvoir ne l’a pas fait jusqu’ici. C’est donc qu’Enoh Meyomesse ne s’est pas rendu coupable d’un délit ou d’un crime de droit commun, et que le pouvoir ne dispose d’aucun élément pouvant justifier une telle accusation. Alors, pourquoi le pouvoir l’aurait-il enlevé ?

L’homme du 6 novembre, à force de se renouveler son propre bail à la tête de l’Etat du Cameroun, a-t-il fini par échapper à la condition humaine ? Quelle serait sa nouvelle condition au crépuscule d’un si long pouvoir ? Parlant avec prémonition de Néron, Agrippine dit dans Britannicus qu’il faut craindre que ce dernier, ayant commencé par où Auguste avait fini, ne finisse par où Auguste avait commencé. L’épisode Meyomesse que nous vivons ne nous ramène-t-il pas vers les pires heures de la dictature d’Ahidjo lorsque ce dernier pouvait exciper de l’excuse d’une lutte à mort contre un nationalisme opportunément repeint en rébellion ? A l’heure où le de plus en plus vieux « père de la nation » jette à pleines mains des milliards de nos francs durement gagnés aux médias occidentaux pour soigner son image de démocrate – l’homme qui a apporté à son peuple la démocratie et le progrès, dixit Paul Biya lui-même ! – est-il possible qu’il ordonne, ou ferme les yeux sur l’enlèvement et la séquestration d’un homme à qui l’on reproche une chose qu’on n’ose pas avouer au peuple camerounais ? Est-il possible que ces médias occidentaux, qui doivent à nos peuples au moins cela, en contrepartie des largesses de nos dictateurs, qu’ils ne sollicitent sans doute pas mais qu’ils acceptent, en sachant que c’est un bout de pain, un comprimé que l’on ôte ainsi de la bouche de nécessiteux et nombreux parmi ces derniers en meurent, est-il donc possible que ces médias pour une fois ne prennent pas ces tyrans au mot et leur demandent des comptes sur des cas flagrants de violation des droits de l’homme ?

Qu’est-il donc arrivé à Enoh Meyomesse ? Si le pouvoir n’y est pour rien, alors qu’il prenne la parole et le dise au peuple camerounais. S’il continue à se taire, parce que « se taire ce n’est pas être muet, c’est refuser de parler », alors les Camerounais comprendront. Ils comprendront que lorsque la justice cesse d’être publique et se réfugie dans la clandestinité, c’est qu’elle a bien des choses à se reprocher, et que ce qu’elle reproche au justiciable en situation ne figure pas dans les codes de loi.



22/12/2011
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