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ELUCIDATION TOTALE DU MYSTERE DE L’ASSASSINAT DE MARTINEZ ZOGO : le prix à payer pour notre rédemption individuelle et collective

Qui a assassiné Martinez Zogo ? Qui en a donné l’ordre et fourni les moyens logistiques et humains ? Dans quel(s) but(s) ? Le comment, on le sait déjà, à quelques détails près. L’enquête, déclenchée sur hautes instructions du Chef de l’Etat Paul Biya le 27 janvier 2023 et confiée conjointement à la gendarmerie et à la police fait certes son chemin mais, compte tenu de la qualité des personnalités jusqu’ici interpellées dans le cadre de sa phase préliminaire et de celles soupçonnées ou dénoncées urbi et orbi ( !), il subsiste pour le citoyen lambda un doute raisonnable sur la possibilité, pour le moins, d’un détournement avant terme du cours de celle-ci, ce qui aurait pour conséquence la décrédibilisation des résultats impatiemment attendus par les Camerounais et l’opinion internationale. Cette perspective-là, pendante et dont la probabilité est loin d’être nulle, est un véritable sujet de préoccupation, pour plus d’une raison. Nous en donnerons ici uniquement deux.

Premièrement, parce qu’il importe pour les Camerounais, individuellement et collectivement, de savoir s’il s’agit dans le cas d’espèce d’un crime d’Etat ou d’un crime de l’Etat. Et cette distinction peut avoir de l’importance. Secondement, parce que ce n’est pas seulement notre liberté qui est en jeu dans cette barbarie inouïe, c’est également notre humanité individuelle et collective, celle des Camerounais en tant que population luttant pour faire peuple, des Camerounais en tant que peuple en devenir mais déjà considérés orbi comme peuple, qui est en question sur la place locale et internationale. Quels sièges allons-nous désormais occuper les uns à côté des autres dans ce triangle nôtre, puis collectivement à côté des autres peuples dans le concert des nations, cet espèce de club de gentlemen et gentlewomen ? Ceux d’êtres véritablement humains, ou de monstres à visages humains ? Tout cela, compte tenu de la nature-même de ce crime au sens large du terme, va dépendre étroitement de la qualité de l’enquête qui y sera consacrée et, in fine de la qualité des résultats qui seront la conclusion de ladite enquête.  

Commençons par ce crime si atypique, odieux, horrible, et si révulsant à force de barbarie, d’atrocités. On ne peut pas se satisfaire de dire d’un tel exploit qu’il est bestial : ce serait faire gravement tort et injure aux bêtes. Ces dernières ne tuent habituellement que par nécessité, par instinct de survie, jamais par plaisir. Généralement, elles tuent quasi religieusement, je veux dire comme l’on fait un sacrifice aux dieux de la faim, de la survie. Elles ne tuent que pour vivre et survivre, non pour jouir et se réjouir. Ne mêlons donc pas les pauvres bêtes à cette sinistre affaire.  Ce crime n’est donc pas bestial ; est-il humain ? Quel genre d’homme est capable de se livrer, étant sain d’esprit, à des actes d’une telle monstruosité ? N’y a-t-il pas là quelque chose de fondamentalement étranger à l’humain dans sa dimension commune, de proprement démoniaque à ce crime, quand on y regarde de près ?

Ceux qui ont livré Martinez Zogo à des bourreaux qui, de toute évidence, n’étaient pas à leur premier fait d’arme tant il est peu discutable qu’il fallait non seulement une véritable expertise mais en sus une bonne expérience pour exécuter cette mise à mort telle qu’elle a été faite, qui savaient donc à quoi ils l’exposaient, ces mêmes gens qui ont ensuite eu l’inqualifiable courage ou absence de décence d’exposer le résultat d’un tel exploit à la vue du public alors que rien ne les y obligeait, semblent avoir intégré toute cette séquence dans un rituel de type sataniste. Tous les ingrédients réunis concourent à l’indiquer : viol, violence immodérée, larmes, sang, extraction de la douleur, jouissance sexuelle, mise à mort dans d’atroces souffrances. Pour un humain normal, la violence choque, révolte, révulse, décompose, fait perdre ses moyens, psychiques en premier lieu, physiques ensuite. Mais les démons qui ont kidnappé Martinez Zogo et l’ont passé à tabac, broyé ainsi que des machines,  scalpé vivant comme certaines tribus indiennes d’Amérique le faisaient autrefois mais uniquement sur des ennemis morts, tranché sa langue,  arraché les ongles de ses orteils, amputé ses doigts, ces démons ont agi comme s’il exécutaient une sorte de rituel sexuel intégrée dans une liturgie démoniaque : cette boucherie méthodique, cette charcuterie systématique qui s’est achevée sur le mode du méchoui auquel il ne manquait plus qu’une rôtissoire, a fait bouillonner leur sang, monter leur excitation. J’imagine leur priapisme débridé et démentiel, dressé au-dessus de cette loque sanguinolente sculptée par leurs soins lubriques ; on peut les visualiser,  ivres d’un désir aussi violent que délirant, sodomisant à tour de rôle les restes de ce qui était quelques instants auparavant encore un être humain… capables en tout cas d’éprouver un véritable désir sexuel dans l’horreur et de pouvoir l’assouvir avec succès ! Ce qu’ils ont fait ou fait faire à Martinez Zogo, jamais aucun homme ayant conservé en lui quelques bribes d’humanité, une toute petite fibre humaine, ne l’aurait fait. Que dis-je ? Ce qu’ils ont fait ou fait faire à Martinez Zogo, je le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait. Ce qu’ils ont fait ou fait faire à Martinez Zogo, seuls des démons auraient pu le faire ou le faire faire.

Mais ce « ils », à qui renvoie-t-il ? Tant qu’ « ils » restent anonymes, et seule une enquête indépendante et transparente conduite à terme avec publication des conclusions peut faire qu’il en soit autrement, ce « ils » peut être « moi », il peut être « toi », c’est-à-dire au final « toi et moi », donc « nous ». En vérité, « Ils » nous ont piégés, ces assassins immondes, pas seulement aux yeux des autres ailleurs loin de chez nous, des autres peuples d’Afrique et d’autres continents qui nous regardent désormais avec suspicion et effroi, mais à nos propres yeux qui ne peuvent à ce stade s’empêcher de regarder les uns les autres avec suspicion et effroi. Ces doigts, ces mains barbouillés de sang, de sperme et d’excréments, pensez-vous qu’on puisse les laver, les rendre à nouveau propres ? Quel détergent pourrait réussir un tel miracle ? Ces doigts, ces mains, appartiennent à des personnes que sans doute nous connaissons sous un visage loin de paraître démoniaque, peut-être même avenant, humain, banal. Ce sont sans doute, en apparence, des personnes agréables à fréquenter, spectaculairement généreuses, qui compatissent hypocritement au malheur de leurs voisins, que vous côtoyez au bureau, dans le bus, dans les cérémonies officielles, et qui ont l’air si normales, quelquefois si aimables, et dont vous serrez les mains souillées dans les vôtres sans vous douter de rien. Ils ont peut-être des femmes qu’ils embrassent, à qui ils font des enfants qu’ils chérissent, pauvres innocents issus de couches monstrueuses, qui naissent avec des passifs gigantesques à solder… mais qui sont-« ils » ?  

Ce qu’on sait d’ores et déjà, c’est qu’ « ils » sont, sous réserve de la présomption d’innocence, des personnels de l’Etat ayant agi avec les ressources de l’Etat, du moins la qualité des personnalités aujourd’hui entendues et détenues dans le cadre de l’enquête préliminaire semble l’indiquer. Cette hypothèse se vérifiant, aurait-on affaire à un crime d’Etat ou à un crime de l’Etat ? Est-ce, derrière eux, l’Etat qui a agi pour protéger ses intérêts supérieurs, c’est-à-dire nos intérêts supérieurs collectifs ? Ce serait alors un crime d’Etat. Sont-ce de hauts commis de l’Etat qui, abusant de la position avantageuse que leur procure la mainmise sur les institutions, ont utilisé les ressources de l’Etat pour protéger leurs intérêts de groupe, de clan ? Ce ne serait alors qu’un crime de l’Etat, le crime  d’un Etat détourné de ses objectifs, comme celui d’un avion détourné par des terroristes et qui s’écrase sur une cible prédéfinie. Selon que nous sommes en face de l’un ou de l’autre cas, qu’est-ce que cela change pour nous ? Beaucoup.

Un crime d’Etat est un acte froid (l’Etat est un Léviathan, disait Hobbes), rationnel, dépourvu de toute passion, de toute folie. Un crime d’Etat, même commis pour protéger l’Etat c’est-à-dire une personne morale collective, c’est-à-dire nous tous ses citoyens,  reste condamnable par cela même qu’il s’exécute en violation du principe de légalité, c’est-à-dire en violation des lois de cet Etat-même. Il ne peut trouver de circonstances atténuantes que dans le cantonnement de son exécution à la plus grande sobriété et la plus simple efficacité possible. Un crime d’Etat ne peut ainsi s’exécuter que dans la stricte juste mesure. Il existe de ce fait une frontière imaginaire, une sorte de ligne rouge que l’Etat lui-même ne doit pas franchir, qu’il n’a pas besoin de franchir, sous peine de déchéance de ses droits moraux et institutionnels, sous peine de devenir ou d’être perçu comme un Etat voyou, mafieux, criminel.  Lorsque le crime d’Etat ou supposé tel prend la coloration qui a été celle de l’assassinat de Martinez Zogo, on doit véritablement s’en inquiéter.

Cela signifie qu’on se trouve, en réalité, non pas en présence d’un crime d’Etat mais d’un crime de l’Etat. De façon encore plus précise, cela signifie qu’on est en présence d’un Etat kidnappé, pris en otage, désormais aux mains d’intérêts particuliers, d’individus qui n’ont plus rien à faire là où ils se trouvent dans les rouages de l’Etat. Entre de telles mains, un Etat devient un outil extrêmement dangereux, potentiellement une arme de destruction massive. On a vu cela avec l’Allemagne nazi, le Cambodge des Khmers rouges et de Pol Pot, le Rwanda de 1994, et l’on sait quelles en ont été les conséquences dans chaque cas. Mais cet Etat-là, entre les mains de ces gens-là si un tel cas de figure se vérifiait, nous représenterait toujours urbi et orbi, parlerait et signerait toujours en notre nom à tous sur toutes les tribunes et dans toutes les négociations du monde, suscitant sourires grimaçants et murmures désapprobateurs, nous tournant en ridicule un peu partout… jusqu’à ce que la partie saine de l’Etat s’il en existe encore, se dissociant de ces démembrements pourris, nécrosés, par le biais d’une enquête proprement menée, crédible, aurait séparé le bon de l’ivraie.

Les responsables de l’assassinat de Martinez Zogo doivent être tous retrouvés, jugés équitablement, et punis conformément à la loi. Et si ce n’est pour Martinez Zogo et les siens, que cela soit fait pour nous tous, pour l’Etat camerounais, pour l’humanité dont nous tenons plus que tout à rester partie. En devenant outil d’un tel crime, l’Etat au Cameroun a déchu et doit réparer, en payer le prix. A ce prix seulement, cet Etat redeviendra un Etat respectable et respecté, pas seulement de ses populations, mais de la communauté internationale dans son ensemble. Et redevenant respectable et respecté, il rendra à sa population, à chacun de ses citoyens, sa respectabilité à ses propres yeux et aux yeux de tous. Voilà pourquoi il importe que le mystère autour de l’assassinant de Martinez Zogo soit dissipé par une enquête impartiale et efficace.

Roger Kaffo Fokou, écrivain.

 



12/02/2023
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