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Engouement pour les listes électorales et repolitisation du Cameroun : passade ou tournant ?

Au cours de la décennie écoulée et notamment depuis l’échec relatif de la campagne « 11 millions d’inscrits » lancée par M. Cabral Libii en 2017 dans le sillage de sa candidature à l’élection présidentielle, on s’était habitué à considérer comme durable le peu d’intérêt des Camerounais pour la politique : « On va faire comment ? » De l’avis des experts « mainstream », la difficile survie au quotidien avait eu raison de toute tentation politique chez ce « peuple » pourtant connu depuis la traite négrière comme particulièrement frondeur. Dégénérescence ? Certains cyniques n’hésitaient pas à l’affirmer en se frottant les mains. Pour les plus optimistes s’appuyant sur les théories maslowiennes, il ne s’agissait que d’une mauvaise saison qui pouvait cependant durer, au regard de l’accentuation de l’étau de la pauvreté sur les masses et notamment les classes naguère dites moyennes. Et puis, subitement, tout s’est ébranlé à nouveau, comme au début des années 1990 ! Comment ? A partir d’où ? Pourquoi ? A vrai dire, ces questions n’ont pas d’abord semblé importantes en face de l’attitude du pouvoir en place. D’abord sceptique sur la durabilité de l’inattendu mouvement, puis de plus en plus soucieux, enfin ouvertement hostile, il a commencé à multiplier les obstacles aux inscriptions sur les listes électorales, confirmant indirectement, pour le coup, l’intérêt de l’exercice et contribuant conséquemment à son amplification. Pourquoi et comment le pouvoir camerounais s’est-il mis en scène dans sa volonté d’édifier un barrage anti inscription sur les listes électorales ? De quoi cet engouement si nouveau est-il l’expression et en quoi cette tendance marque-t-elle le retour au premier plan du politique chez les Camerounais ? Ce renouveau est-il une passade ou peut-il durer ?

Parler de mise en scène, c’est évoquer la dramatisation en un ensemble discontinu mais cohérent de représentations publiques portées par des acteurs divers, de calibres variés, autour  du thème de l’engouement des Camerounais pour le vote, avec pour ambition de faire passer une série de messages à l’opinion d’abord, aux masses ensuite, en vue de minimiser ce que l’on essaie de faire passer pour une simple et stérile agitation, de la ridiculiser pour démotiver et ceux qui ainsi s’activent et ceux que vise ladite activité ; et finalement, devant l’échec de plus en plus visible de la manœuvre, de mettre en branle le pouvoir répressif dur pour criminaliser les appels aux inscriptions afin de limiter l’effet de contagion déjà à l’œuvre. Au niveau des acteurs, grands et petits, il faut citer le MINAT avec sa communication brouillonne et ridicule, le MINCOM qui porte on dirait à ras de terre la parole gouvernementale, certains ambassadeurs et notamment celui de France qui se comporte comme un agent des services d’immigration français, et naturellement la cohorte des communicants intelligents pour certains et bêtes pour la plupart, qui hantent les plateaux des médias comme des âmes en peine en quête de rédemption. En quoi et jusqu’à quel point ce sujet des inscriptions sur les listes électorales est-il véritablement sensible et justifie-t-il une si peu habile dramatisation de la part du pouvoir ?

On peut voir à cela au moins deux raisons. La première tient à quelque chose de subtil et fondamental : la gestion par le pouvoir en place, à la manière d’un marionnettiste fanfaron, de l’espoir et du désespoir comme mode de maintien du statu quo sociopolitique. Ce pouvoir a très bien compris il y a déjà belle lurette que ne pas s’inscrire sur les listes électorales est l’expression la plus profonde du désespoir des masses quant à tout ce qui est politique. C’est la mesure-même du niveau de dépolitisation (abandon de tout espèce d’intérêt pour le politique aussi bien que pour la politique) d’une société qui ne croit plus à la politique, ni aux hommes politiques pour changer son quotidien et son avenir, d’une société de l’à-quoi-bon où le fatalisme s’allie au défaitisme pour accoucher de la léthargie, prélude à une éventuelle catalepsie générale. Ce désespoir-là, bien cultivé, entretenu et convenablement circonscrit, peut faire durer indéfiniment un régime même honni des populations. Toutefois et concomitamment, il faut savoir entretenir un type spécifique d’espoir, sur la capacité des petits plans du gouvernement, généraux mais plus souvent sectoriels, à transformer progressivement, par petites touches, le pays ; un petit bout par-ci aujourd’hui, un petit bout par-là demain, de façon discriminatoire, magnanimement surtout, à la tête du client  : SNRP, DSCE, SND 30, grandes réalisations, grandes ambitions, projets structurants, émergence 2035… une multiplication d’effets de petites et grandes annonces pour couvrir le fracas de fond des chantiers qui s’effondrent bruyamment au fur et à mesure qu’on les lance, et qui à chaque échec substitue un ou plusieurs nouveaux projets mirobolants pour relancer et entretenir l’espoir transformé en une sorte d’espérance.  On le sait bien, celui qui a cessé d’espérer cesse progressivement d’agir, mais celui qui vit d’espérance s’est armé d’une patience quasi illimitée. La seconde raison tient au fait qu’une action est une chaine qui va de la cause aux effets. On décide de s’inscrire sur une liste électorale parce qu’on a cessé de désespérer (cause), et en s’inscrivant, la volonté de défendre son vote (quand on sème en période de disette, on ne tient pas à laisser le voisin passer récolter à sa place) peut naître mécaniquement (effet). En clair, ces inscriptions montrent qu’un présent est devenu passé, qu’un avenir jusque-là tout tracé peut changer. Pour les conservateurs, il y a là une insupportable perspective que la détermination à maintenir le statu quo (c’est ainsi qu’il faut lire la scénarisation gouvernementale ambiante) ne saurait tolérer. Il est intéressant de voir comment ceux-ci s’y prennent pour atteindre leurs objectifs.

Sur les antennes des radios et les plateaux de télévision, la première tâche des communicants conservateurs a consisté à rappeler sur tous les tons (sérieux, moqueur, sarcastique…) l’échec de la campagne de M. Cabral Libii de 2017. Dans un but double : démontrer que l’appel actuel aux inscriptions sur les listes électorales n’est en rien une nouveauté, et que le précédent ayant échoué, il est vraisemblable que le second ne fera pas mieux : jamais un sans deux, semblaient-ils tous dire. En outre, l’immobilité des chiffres du corps électoral distillés par ELECAM sur plus d’une décennie semblait leur donner raison : plus ELECAM inscrit en effet, et plus le corps électoral stagne ! En clair, appelez toujours aux inscriptions, il ne se passera rien comme d’habitude. Cette mise en lumière de l’échec répété, permanent, permet de tirer une conclusion quasiment logique : l’absence permanente de réponse des Camerounais aux appels répétés de l’opposition serait en fait un désaveu cinglant de ces derniers en direction d’une opposition inconsistante, peu crédible, communautarisée. Seul le parti au pouvoir ayant une assise nationale arrive encore, malgré les difficultés et les erreurs (qu’on reconnait du bout des lèvres) à rassurer les Camerounais et donc dispose de la crédibilité nécessaire au succès de tels appels : c’est la théorie du moindre risque. Tout semblait ainsi dit, jusqu’à ce que les files commencent à s’allonger comme des silhouettes de fin d’après-midi devant les postes des agents inscripteurs d’ELECAM tous les jours de la semaine y compris les samedis et les dimanches. La première stratégie avait donc clairement prouvé son inefficacité et il fallait passer à autre chose. Quoi ?

La seconde stratégie du pouvoir a consisté à déployer toutes les articulations de son pouvoir répressif pour empêcher sinon ralentir le rythme de toutes les inscriptions qu’il ne contrôle pas, c’est-à-dire celles résultant directement de la campagne des groupes de pression. La discrimination ne pouvant toutefois se faire aisément en la matière, l’on a entrepris de décourager les inscriptions de façon générale, en restreignant les sorties des agents inscripteurs, en requérant des documents inutiles comme le fait l’ambassadeur du Cameroun en France qui exige en plus d’une carte nationale d’identité, d’un passeport, une carte de séjour « en règle », etc. L’on n’a pas hésité à insinuer que la campagne de l’opposition pour inciter aux inscriptions violerait la loi : « On ne saurait par conséquent sortir les populations de force de leurs domiciles ou encore user de pression de quelque nature que ce soit pour les contraindre à s’inscrire sur les listes électorales », s’insurge le MINAT avec une mauvaise foi plus qu’évidente. Et dans un pays où l’on a un corps électoral de 8 millions d’inscrits à peine pour une population d’environ 30 millions d’âmes, le grand administrateur du territoire attire malignement l’attention de tous ceux susceptibles de l’ignorer, dans son communiqué du 2 mai 2024 : « Il n’est pas superflu de préciser que l’inscription sur les listes électorales n’est pas obligatoire ». Traduction, chères populations, vous n’êtes pas obligés de vous inscrire. On est alors au bord de la supplication à l’abstention d’inscription. Cette seconde stratégie obtient-elle plus de succès que la première ? Il apparaît bien que non : les inscriptions sur les listes électorales s’intensifient. Alors, un dernier argument vient de surgir dans l’opinion comme un cheval de Troie et qui mérite un arrêt : « Etes-vous sûrs, avance-t-on, que ceux que vous faites inscrire voteront pour vous ? ». En quoi cet argument est-il intéressant pour l’avenir ?

Cet argument intéresse pour au moins deux raisons : premièrement, il est le contrepied exact d’un autre argument ayant fait florès jusque-là : ceux qui s’inscrivent, disait-on il y a encore peu, sont les militants du parti au pouvoir et il est évident que leur vote fera gagner celui-ci, sous-entendu qu’il n’y a aucune possibilité pour que ces inscrits sous le patronage du parti gouvernant changent d’allégeance dans les isoloirs. De l’arithmétique pure et simple. Il était d’ailleurs également sous-entendu d’abord, de plus en plus entendu ensuite, que tous ceux qui ne s’inscrivaient pas étaient de l’opposition, championne du boycott des élections. Mais voici que les partisans de l’opposition se sont mis à s’enrôler sur les listes d’ELECAM ! D’où la deuxième affirmation à rebours de la première : il n’est pas sûr que celui que vous poussez à s’inscrire votera pour vous le moment venu. Pourquoi ce qui était si évident hier ne l’est plus aujourd’hui ? Parce qu’il ne s’agissait que d’une pure manipulation des esprits ; parce que le pouvoir anticipe déjà un détournement des votes et prépare pour cela l’opinion : « Inscrivez-vous donc en masse puisqu’on ne peut l’empêcher ! A la fin, on verra pour qui vos voix seront comptées. » Comme disait Joseph Staline, « Je considère qu’il n’y a aucune importance qui votera dans le parti, ni comment ; mais ce qui est extraordinairement important, c’est qui va compter les votes, et comment ». A bon entendeur… Toutes les ficelles sont-elles épuisées ? Les temps à venir le diront. Qu’est-ce qui explique cette si surprenante repolitisation des Camerounais et est-elle appelée à durer ?

Le contexte international ici sollicite notre attention, aussi bien que celui interne. Sur le plan international, la transformation en cours dans le Sahel, passant en boucle sur les réseaux sociaux, a bouleversé la façon des Camerounais de voir l’action politique et de se voir. La puissance de mobilisation des peuples au Mali et au Burkina Faso contre la France et ses satellites et sur laquelle les Camerounais ne cessent de s’extasier, la longue et difficile marche de Bassirou Dioma Faye et Ousmane Sonko vers le pouvoir avec l’appui total de la société sénégalaise, la chute fracassante de la réputée inamovible dynastie Bongo tout près au Gabon, tout cela a suscité l’admiration et le soutien des Camerounais, et concomitamment une remise en question de leur passivité en face d’un pouvoir national confisqué et quasi demi centenaire dont le bilan n’est plus à faire. Ces derniers temps, sur les campus universitaires américains et européens, il se passe des choses qui, je veux bien le parier, ne seront pas sans écho ici au Cameroun, retardées uniquement par une surprenante dépolitisation de nos universitaires qui, pour la grande majorité, semblent avoir décidé de laisser la politique aux politiciens ou se contenter de jouer les analystes neutres.

Au plan interne, la récente mobilisation inédite des enseignants OTS qui a abouti à des résultats plus qu’en demi-teinte (on paie aux enseignants les dettes à eux dues mais pas un iota n’a changé quant à leur misérable statut socioéconomique !), suivi actuellement d’une fort sévère répression, est en train de produire un déclic attendu pour ceux qui suivent attentivement les évolutions dans ce secteur de longue date mouvementé. OTS (étape 3) résultait de la déconsidération structurellement organisée des syndicats d’enseignants (étape 1), de la criminalisation et de la répression du collectif des enseignants indignés né de la précédente (étape 2). Le caractère anarchique du mouvement OTS n’était qu’une réponse taillée sur mesure à un besoin de sécurité de l’action ne pouvant se résoudre que par une forme d’acéphalie permettant d’échapper à l’Etat répressif. Le coût après coup de cette anarchie un temps très efficace, se paie durement en ce moment mais du coup, la colère qui en résulte, exacerbée par la décision à peine nuancée du pouvoir de jeter aux orties de façon systématique les véritables revendications au cœur de ces contestations (réforme consensuelle de l’éducation et révision substantielle du statut des enseignants) a fait réfléchir les enseignants et désormais, beaucoup d'entre eux s’engouffrent dans la seule voie qui leur reste ouverte : la voie politique (étape 4).

Pour les observateurs de l’espace scolaire, ce qui se passe ces temps-ci au sein des corps enseignants est totalement inédit : il semble qu’il y soit déjà acté que le régime en place est l’ennemi de l’enseignement et des enseignants, et qu’il ne reste plus à ces derniers qu’à s’organiser pour en accélérer le départ de la scène politique. Du moins c'est la campagne en cours. D’où les questions suivantes, posées quotidiennement de mille manières sur toutes les plateformes des enseignants camerounais : « où en est-on avec le forum national de l’éducation ? Et le statut spécial des enseignants ? » Et de conclure : « Et ces gens-là veulent que nous votions pour eux en 2025 ? » L’enseignement, surtout au niveau du secondaire, est entré dans une phase de politisation tout à fait nouvelle qui, pour peu qu’elle dure et se généralise, impactera forcément la société de demain. L’enseignant n’enseignant que ce qu’il est et non ce qu’il sait, on peut vite imaginer que les citoyens des années à venir, élèves aujourd’hui, ne seront pas ceux d’aujourd’hui formés par un corps enseignant qui n’avait pas encore fait la jonction entre le syndicalisme et la politique. Mais il n’y a pas que les enseignants qui sont en train de franchir le pas ces derniers temps : l’Eglise catholique semble avoir initié un mouvement qui peut déjà s’interpréter comme une césure.  

Il est vrai que le clergé catholique national a toujours été très divisé sur la question politique et cela remonte à l’époque coloniale, avec Mgr Thomas Mongo entre l’administration coloniale et l’Union des Populations du Cameroun (UPC), en passant par les premières années de notre simili indépendance avec Mgr Ndongmo Albert entre la dictature d’Ahidjo et la même UPC. Position foncièrement ambiguë de certains, de soutien ouvert pour d’autres, à chacun de faire son tri. Dans le contexte de la crise anglophone, le positionnement nettement moins ambigu du clergé catholique anglophone en faveur d’une véritable résolution au fond de la question anglophone aurait dû alerter le pouvoir. Ainsi, une délégation d’évêques anglophones s’est déplacée pour participer à une des rencontres intergouvernementales sur les problèmes des enseignants et a été reçue avec une grande brutalité, et s’en est retournée probablement très ulcérée. Quel impact ce management sans discernement a-t-il eu sur l’approfondissement de la crise ?  Ces derniers temps, on a vu un prêtre catholique, le jésuite Lado Ludovic lancer un mouvement « servir » pour appeler aux inscriptions sur les listes électorales, sans susciter l’ire de sa hiérarchie, ce qui est très éloquent en soi. En manière de confirmation, la conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC), qui a récemment siégé à Mvolyé du 7 au 13 avril 2024, a mis l’accent sur les inscriptions massives des citoyens sur les listes électorales, en même temps qu’elle adressait un message aux pouvoirs publics les exhortant à garantir la liberté et la transparence des futures élections. Une évolution évidente, à maints points de vue. Peut-on de ce fait parler déjà de convergence des luttes susceptible d’impacter les résultats des prochaines échéances électorales ? Pour cela, il faut partir du positionnement du clergé dans le dispositif stratégique de contrôle du pouvoir dans le système des démocraties illibérales, concept théorisé en 1997 par Fareed Zakaria.  

Dans le dispositif de contrôle du pouvoir de ces systèmes faussement démocratiques, ce ne sont pas les trois pouvoirs classiques consacrés – exécutif, législatif et judiciaire - qui régulent les processus de prise et de conservation du pouvoir, ce sont pour reprendre la classification de Jacques Attali (Une brève histoire de l’avenir, Fayard, 2006) quatre principales forces, en fonction de leur dosage et des combinaisons du moment: les puissances d’argent (ordre marchand), les hommes de guerre (ordre impérial), les religieux (ordre rituel), et les masses (ordre populaire). Dans ce grand jeu à 4, l’Etat bascule entre les mains des ordres les plus mobilisés et les mieux équipés. En démocratie libérale et encore plus en démocratie illibérale, les puissances d’argent contrôlent généralement l’Etat (et ses appareils idéologiques autant que répressifs pour reprendre la terminologie de Louis Althusser) en mettant à sa disposition une fraction des ressources confisquées pour sécuriser le soutien de l’armée et des clergés les plus importants. L’Etat en démocratie illibérale est donc foncièrement corrupteur. De quelle arme terrible dispose le clergé (pour l’armée cela va de soi) pour mériter une telle attention de l’ordre dominant et de l’Etat satellisé ?  Il détient le pouvoir symbolique de désigner le bien et le mal, et l’opportunité de s’adresser quotidiennement aux masses. L’Eglise coloniale camerounaise avait désigné à la population les nationalistes comme des partisans du mal (maquisards) et invité celle-ci à les dénoncer. L’armée s’était chargée de faire le reste. On comprend pourquoi, au moment où le pouvoir camerounais s’arc-boute sur son refus de tenir des états généraux de l’éducation au fallacieux prétexte d’un manque de ressources (le coût de la tenue de ce forum est évalué à 1 milliard de francs CFA au grand maximum), il trouve facilement 1,5 milliards de FCFA pour envoyer quelques centaines de pèlerins à la Mecque.  Que les clergés, chrétien ou musulman, prennent ouvertement le parti des masses contre les oligarchies dirigeantes, et le nouvel équilibre qui en résulterait suffirait à faire basculer les choses. Ces clergés ont-ils déjà fait ce pas ? Du côté du clergé musulman, il est clair que non. Ce qui fait de l’aire de cette religion un espace encore contrôlable, jusqu’à un certain point, par le pouvoir. Du côté chrétien, seul les catholiques semblent avoir fait un pas vers ce que certains considèreraient comme une « neutralité bienveillante » à l’endroit des masses. Mais la neutralité, même bienveillante (ce qui apparaît comme un oxymore), n’est qu’un engagement plein d’ambiguïtés, un engagement à minima. Elle est, dans le cas qui nous intéresse, un refus d’user du pouvoir de désigner le mal et d’inviter à le combattre. Cette position traduit à n’en point douter les divergences qui traversent la conférence épiscopale nationale. Peut-elle évoluer d’ici les prochaines élections ? Il n’y a pas d’indicateurs permettant de l’affirmer pour l’instant. Toutefois, ces clergés musulmans, chrétiens ou autres, devraient eux aussi redouter les conséquences à terme d’une ambiguïté durable sur le comportement de leurs ouailles.  Dans les pays musulmans, la collusion entre le clergé et les pouvoirs honnis (les partis Baas inféodés au grand capital international et adossés aux forces armées) n’est pas étrangère à la naissance et au développement des fondamentalismes religieux extrémistes.

Comment se dérouleront les élections qui se profilent au Cameroun en 2025 ? La carte de celles-ci s’esquisse en ce moment, par petites touches. Des tendances se dégagent, des positionnements émergent et tentent de fédérer la diversité des forces en présence. La grande inconnue jusqu’alors, les masses, s’ébroue lentement, péniblement, comme tous les géants endormis sur le point de sortir d’hibernation. Ce processus ira-t-il à son terme ? Nombreux travaillent contre, nombreux travaillent également pour. D’un côté comme de l’autre, il y a des cartes à jouer, dans un jeu très serré. Un poker d’experts où les amateurs n’ont pas leur place. Les jeux sont-ils déjà faits ou encore à faire ou en train de se faire ? La réponse à ces questions est déterminante pour les mois à venir.

Roger Kaffo Fokou

 



08/05/2024
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