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Financement de l’éducation au Cameroun : ces artifices qui font gonfler un budget en réalité bien maigre

Par Roger KAFFO FOKOU, auteur de Misères de l’éducation en Afrique : le cas du Cameroun aujourd’hui, l’Harmattan, 2009

Le secteur de l’éducation bénéficie-t-il de la plus importante allocation dans les dépenses annuelles budgétisées de l’Etat camerounais ? Oui, mais uniquement sur le papier de la loi de finances. La réalité est celle d’un sous-financement d’un secteur pourtant stratégique, en comparaison des engagements pris au niveau international, en comparaison de ce que font les autres pays qui affichent parfois moins tapageusement leurs ambitions pour la jeunesse. Au cours des dernières consultations régionales en vue de la rédaction de la stratégie sectorielle de l’éducation à court, moyen et long termes, nous avons été confronté à une série d’acteurs qui se sont opposés à toutes les propositions visant à améliorer cette situation sous le prétexte que l’Etat n’avait pas de moyens. Ils n’ont pas compris qu’au-delà d’un problème de faiblesse de moyens, il y a avant tout celui de l’allocation de ceux disponibles. Alors que la représentation nationale planche sur le premier budget programme de l’Etat, il est bon de lever le voile sur ces artifices qui permettent à l’Etat du Cameroun de masquer presque à la perfection un sous-financement réel du secteur de l’éducation.

 

Premièrement, le financement du secteur de l’éducation au Cameroun est très en-deçà des engagements pris par le Cameroun dans le cadre des OMD (objectifs du millénaire pour le développement) et dont l’échéance est fixée à 2015. Dans ce cadre-là, les Etats – dont le Cameroun – avaient pris l’engagement de porter la part des dépenses publiques d’éducation à 22% du budget. Le Cameroun était en 2011 encore à 16,3%, soit un décalage négatif de 5,7%, correspondant en valeur absolue, si l’on prend un budget de 2700 milliards FCFA comme base de calcul, à 153,9 milliards de FCFA. De quoi supprimer les frais universitaires et améliorer significativement l’accès à l’enseignement supérieur qui aujourd’hui se situe à moins de 5% de chaque génération. De quoi équiper les campus universitaires et scolaires, recruter des enseignants et les rémunérer convenablement, et j’en passe. Le plus grave est cependant à venir.

 

En effet, alors que nous n’arrêtons pas de parler de grandes ambitions ou réalisations, que l’émergence est le nouveau credo de la politique gouvernementale, et que le chef de l’Etat essaie de convaincre les jeunes qu’ils sont sa principale préoccupation, la part de l’éducation de cette jeunesse dans le budget de l’Etat en valeur relative n’a cessé de diminuer, pour atteindre en 2011 un niveau inférieur à celui de 2008. Notre jeunesse aujourd’hui n’a pas toujours  les armes suffisantes pour se défendre et s’imposer dans la jungle internationale comme cela s’est vu dans le cadre de la réalisation du pipeline Tchad-Kribi où elle a été battue à plate couture par ses rivales nigériane et brésilienne qu’on a dû aller recruter pour venir assurer des emplois pour lesquels notre école ne l’avait guère préparée. Comment en effet assurer une éducation de qualité alors que les moyens de l’éducation sont amputés d’une année sur l’autre et que la courbe des ressources, au lieu de croître, plonge ?

 

Année budgétaire

Part éducation

2008

16,4%

2009

20,8%

2010

19,4%

2011

16,3%

 

Depuis 2009, la part de l’éducation dans notre budget a reculé en valeur relative de 4,5 points. Cette courbe va-t-elle s’inverser ? Les députés qui adoptent ainsi régulièrement un budget de l’éducation en chute libre sont-ils conscients de ce qu’ils prennent ainsi la responsabilité d’amputer l’éducation des moyens de préparer l’avenir du pays ? Un dernier paramètre reste cependant à mettre en lumière, pour démonter le mécanisme de camouflage qui permet de faire croire à un financement sérieux du secteur de l’éducation. C’est celui qui consiste à faire émarger au budget de l’éducation des miliers de fonctionnaires opérant dans d’autres secteurs.

 

Commençons par rappeler que dans le budget de l’éducation comme dans le budget global de l’Etat, la plus grosse dépense est celle du fonctionnement. Et dans le fonctionnement, les salaires prennent la plus grosse part. Celle-ci représente environ 79% de la dépense au ministère des enseignements secondaires. Or ce que l’opinion sait moins, c’est qu’un enseignant qui quitte l’éducation pour un autre secteur de la fonction publique reste considéré par la solde comme un enseignant et son salaire est comptabilisé dans le budget de l’éducation, alors même qu’il sert désormais un autre secteur. Quelle est la proportion d’anciens enseignants qui servent depuis des années d’autres secteurs et dont les salaires gonflent artificiellement le budget de l’éducation ? Il suffit de faire un tour à la Fonction publique, à l’Agriculture, au Commerce, aux Finances, aux Mines et ailleurs et l’on sera édifié. La grosse enveloppe budgétaire du secteur de l’éducation est donc une grosse fiction, un mythe soigneusement entretenu pour faire croire à l’opinion et surtout aux enseignants eux-mêmes, que l’éducation est la priorité de l’Etat. 



02/12/2012
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