GENOCIDE RWANDAIS DE 1994: de Sarkozy à Macron, la France pas complice mais lourdement responsable !
Dans le processus de normalisation des relations entre la France et le Rwanda, les officiels français font depuis des années une politique de petits pas, un pas à la fois, parfois des pas sur place. En 2010 devant le Mémorial des victimes du génocide rwandais à Kigali, Nicolas Sarkozy avait préféré épargner la France pour indexer un de ses prédécesseurs, François Mitterand, dont il avait accablé « l’aveuglement ». S’était-il agi d’aveuglement volontaire ou involontaire ? On peut déduire qu’il s’agissait d’un aveuglement voulu puisque de l’avis de Sarkozy, Mitterand avait « négligé » les nombreuses alertes sur le massacre des Tutsis. Cette abstention d’agir, de porter secours à personnes en danger, de la part d’une puissance militaire mondiale disposant d’un large éventail de moyens d’action (dont il a souvent usé, cf. Kolwezy) peut-elle être imputée seulement à Mitterand intuiti personae ? Difficile à affirmer. On comprend pourquoi cette position n’avait pas pu susciter un début de satisfaction du côté des officiels rwandais.
Mars 2021, la commission de l’historien Vincent Duclert remet à Macron un rapport qui conclut que la France « est demeurée aveugle face à la préparation » du génocide et de ce fait porte des « responsabilités lourdes et accablantes ». Avec ce rapport, on passe des responsabilités individuelles des dirigeants français à la responsabilité collective, celle de la France. En saluant la qualité de ce rapport, Nicolas Sarkozy désormais ex-président français évolue donc dans sa position. Est-on en train de sortir de l’ambiguïté ? Peut-être pas encore, puisque Sarkozy a tout de suite développé une stratégie de dilution de la responsabilité française dans la responsabilité internationale : « Un million de morts en trois mois, Kigali, la capitale, qui avait perdu un quart de sa population en cent jours, c’est à peine imaginable. (...) La communauté internationale était sur place, mais elle est restée impuissante! », s’indigne Nicolas Sakozy. Impuissante ou impassible ? Nous n’allons pas essayer d’apprendre à un Français à utiliser sa langue.
Emmanuel Macron, président français en exercice, commanditaire du rapport Duclert, est donc descendu à Kigali ce 27 mai 2021 et s’est incliné devant le Mémorial du génocide, à son tour. Comme dans le rapport Duclert, il reconnaît explicitement dans son discours non pas la responsabilité de quelques dirigeants français de l’époque, mais bel et bien celle de France. Ouf ! A-t-on donc avancé de façon décisive ? Loin s’en faut, même si le président Kagame, magnanime, se satisfait amplement de la rhétorique macronienne.
En effet, toujours dans une stratégie évidente d’évitement de l’assomption nette et sans ambiguïté au moyen de la technique de dilution, Macron ne semble reconnaitre la responsabilité de la France que postérieurement au génocide, en fait la responsabilité de la « souffrance qu’elle a infligée au peuple rwandais en faisant trop longtemps prévaloir le silence sur l’examen de la vérité ».
« La France a un rôle, une histoire et une responsabilité politique au Rwanda », elle est restée « de fait aux côtés d’un régime génocidaire » mais « n’a pas été complice », a déclaré le président français devant le Mémorial de Kigali, vingt-sept ans après le génocide de 1994. Et le fait d’avoir ignoré « les alertes des plus lucides observateurs », groupe dans lequel figurent les services secrets français ? Et le fait, admis pourtant, d’être resté « de fait aux côtés d’un régime génocidaire » ? « Rester aux côtés » signifiant ici être physiquement présent sur le lieu du crime, puisque « Le sang qui a coulé, dit Macron, n’a pas déshonoré les armes ni les mains des soldats [de la France], qui ont eux aussi vu de leurs yeux l’innommable, pansé des blessures, et étouffé leurs larmes. » On découvre le paradoxe du discours de Macron : la France était restée aux côtés de génocidaires en action, ne faisant rien pour les empêcher d’agir – un million de morts en 3 semaines – mais cela ne suffisait pas à en faire leur complice, même si cela établissait sa lourde responsabilité. Il s’agit là d’un grand écart auquel les dirigeants français ont habitué l’opinion depuis longtemps.
Dans les années 1960 au Cameroun, la France avait appuyé l’embryon de l’armée néocoloniale camerounaise de matériels volants, de bombes incendiaires, de mitrailleuses lourdes, d’experts aguerris en Indochine et en Algérie, pour massacrer quelques tribus considérés par un de leurs experts de l’époque, le colonel Lamberton, comme des cailloux dans la chaussure de la toute nouvelle néocolonie. Et à ce jour, sa responsabilité dans cet autre massacre, resté non qualifié, perpétré au cours d’une guerre toujours non reconnue et menée en cachette, cette responsabilité reste non admise.
Roger Kaffo Fokou
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