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Hilaire Mbakop contre Patrice Nganang : tout ce qui est excessif est dérisoire

Excessif et dérisoire, ainsi peut-on, avec un zeste d’indulgence, caractériser le « libelle » de M. Hilaire Mbakop contre Patrice Nganang. Je ne suis pas des amis de M. Nganang que je ne connais pas personnellement, ne l’ayant jamais rencontré. Je ne suis pas non plus de ses ennemis. Il a lancé à M. François Hollande il y a quelque temps déjà un appel à venir sauver le Cameroun que j’ai analysé comme une faute intellectuelle grave, et je l’ai fait savoir publiquement. Ce n’était pas une critique ad hominem. Personne n’est parfait. Je ne connais pas non plus M. Hilaire Mbakop et n’avais jusqu’ici entendu que peu de choses sur lui. Et, ironiquement, il doit encore peut-être à Patrice Nganang cette nouvelle notoriété qui me permet de mieux le connaître. Mais est-ce un beau coup pour M. Hilaire Mbakop ? Je me permets d’en douter. Pour qu’il en soit ainsi, il lui faudra inverser l’image de lui qu’il vient de camper publiquement. Une image pour le moins grinçante et grimaçante.

Qui est finalement M. Hilaire Mbakop ? Il est bien sûr un écrivain camerounais vivant en Allemagne. Il a même connu un certain succès là-bas, puisqu’il y a gagné un prix, je ne sais plus lequel. Tout ceci aurait d’ailleurs suffi, comme socle approprié sur quoi bâtir plus tard quelque chose de solidement positif à son bénéfice, mais M Hilaire Mbakop en a décidé autrement.

Comment apparaît-il aujourd’hui dans ce surgissement qu’il a orchestré volontairement ? Il y a d’abord l’image de lui qu’il veut à tout prix imposer : celle incroyablement modeste d’un jeune écrivain génial et prolifique : « Non seulement, affirme-t-il, je suis un auteur bilingue, je suis de surcroît prolifique. » Bravo ! Mais que ne laisse-t-il les autres le dire ? Il est vrai, on dit que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Et en bon peintre, M. Mbakop en rajoute une couche supplémentaire : « Il sait que je suis de loin plus intelligent que lui et que j’ai un C.V. plus riche que le sien. » Comme on le voit, ce « libelle » est pour lui, indiscutablement, l’occasion de parler en bien de lui-même presqu’autant qu’il y tient à médire de Patrice Nganang. Au-delà de ce qu’il veut bien que l’on retienne de Patrice Nganang, il apparaît – malgré lui ? - des choses bien curieuses, surtout paradoxales.

D’un, Nganang l’a accueilli et plutôt bien, à son arrivée en Allemagne, de son propre aveu : « Le jour suivant, elle nous le  présenta et le [Nganang] chargea de nous conduire à la caisse d’assurance-maladie où nous devions nous affilier, et à la banque où notre première mensualité était déjà disponible. Il le fit. De plus, il nous montra le centre-ville et nous invita chez lui à Offenbach » De deux, Nganang semble lui avoir toujours reconnu le mérite qui est le sien et c’est encore lui qui le dit : « il me confia qu’on m’aurait sûrement préféré à lui si j’avais postulé au même poste. » De trois, Nganang n’a pas hésité à l’épauler pour lui permettre de développer sa carrière universitaire, et c’est toujours lui qui l’affirme. Pour cela, il lui a donné de l’argent, et voyez comme il rapporte ce fait : « En 2008, ce roublard m’avait envoyé quelques dollars pour me permettre de monter un projet de recherche postdoctorale. » pourquoi l’imprécision « quelques dollars » ? Combien de dollars au fait ? Il y a donc une transparence sélective. Nganang lui a donné des conseils dont il a pu profiter, preuve que ceux-ci n’étaient pas truqués : « Il se déclara prêt à appuyer ma demande de bourse et même me suggéra de solliciter la seconde lettre de recommandation auprès de Barbara Könneker. Lorsque je déposai ma demande en janvier 2010, cette Allemande me recommanda. » On peut aisément imaginer que M. Mbakop ne s’est pas excessivement étendu sur les bienfaits de M. Nganang à son endroit. Tant pis, le peu qu’il nous dit de la générosité de Nganang à son endroit peut suffire largement. Quant à lui, que reconnaît-il avoir fait pour M. Nganang ?

« Je l’avais beaucoup aidé en Allemagne. », affirme-t-il sans ambages. Comment ? Il l’aurait accompagné quelques fois à l’aéroport et lui aurait conservé quelques paquets ; il lui aurait animé ses noces avec son appareil musical donné un coup de main pour déménager. Evitons de comparer avec ce que nous savons par lui-même de l’aide que lui a apportée Nganang, puisque comparaison n’est pas raison. Par contre, il a « lâché » Nganang dans une circonstance éloquente, et le dit encore une fois lui-même : « Il avait perdu sa mère. Étant donné que c’est un individu qui a plus d’un tour dans son sac, j’avais effectivement évité de le rencontrer. » La nature des rapports logiques à l’intérieur de ce segment argumentatif échappe quelque peu à mon entendement peu retors.  

A la fin de cette diatribe, l’on se demande pourquoi, ayant découvert depuis aussi longtemps les noirs desseins de Patrice Nganang à son endroit, - « Déjà en 2009, il m’avait trahi » - ainsi que la nature « perverse » de l’individu – «Nganang est un esprit retors, un mauvais génie. » - Hilaire Mbakop n’a cependant cessé de poursuivre celui-ci… de demandes de toutes sortes, la plus récente ne datant que de quelques mois : « Il y a quelques mois, je lui ai demandé s’il pouvait me recommander pour un poste qui était à pourvoir à la prestigieuse Université Harvard. » Une parmi les réponses tient à ce que Mbakop ne croit pas grand-chose de ce qu’il dit sur son « ami ». Il sait que Nganang, comme homme, ne manque pas de générosité, - moi qui n’en sait rien, je n’ai jamais rien demandé à Nganang ; il sait que, comme enseignant, Nganang n’est pas aussi piètre qu’il le dit, sinon le brillant enseignant pour lequel lui-même se prend ne solliciterait pas la recommandation d’un médiocre en vue de convaincre les recruteurs de la prestigieuse université de Harvard. Est-ce que cela sert vraiment son argumentation de présenter Nganang comme un personnage fruste qui ne sait rien des formalités de voyage en avion quand c’est ce dernier qui l’a accueilli en Allemagne ? Ou comme quelqu’un ne sachant pas que l’on peut publier un mémoire ? L’énoncé suivant laisse donc forcément dubitatif, pour le moins : « car il croyait que l’avion était comparable à ces vieux cars qui font la navette entre Yaoundé et Bertoua. »

Au bout du compte, tout ceci dessine une autre image de M. Hilaire Mbakop, et il n’est pas sûr que ce soit celle-là qu’il destinait au public. Il semble y avoir en lui une sincérité d’autant remarquable qu’elle paraît involontaire. Candeur ? Non, décidément. La volonté de nuire à tout prix qu’il choie au fond de lui plaide contre cette disposition. Une âme simple blessée ou qui se croit blessée  peut être conduite à de telles extrémités, surtout si elle est égoïste. Cela pourrait expliquer la présence multiple des références tribales quasi déconnectées de l’argumentation au début de son texte. Cela pourrait aussi expliquer ce roman intimiste et trempé de larmes d’une histoire suisse dont un goût certain eût commandé qu’il nous épargnât des détails qui ne fleurent pas particulièrement la décence, surtout lorsqu’il est question d’un auto-roman-vérité.  

Qu’est-ce qu’il lui a donc pris à M. Hilaire Mbakop de se laisser ainsi verser sur la toile avec démesure au risque d’écorcher de la sorte grièvement une humanité et une nationalité, en même temps qu’un statut d’écrivain, toutes choses dont les unes sont des biens communs et respectables, et l’autre une référence professionnelle qui se veut généralement au-dessus de tout soupçon de mesquinerie ? Ne pouvait-il garder ses petites histoires avec Nganang par devers lui-même s’il lui était impossible de donner de la hauteur à ses récriminations ? Espérons qu’au moins cela lui aura permis d’apprendre sa leçon, et que nous le verrons bientôt s’illustrer par des exploits plus recommandables.

Roger Kaffo fokou  

 



06/06/2015
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