Le Cameroun, la démocratie, les élections et l’empire.
Ils ne vont pas s’en mêler, nous avaient-ils dit la main sur le cœur à propos du Gabon, seule la démocratie trancherait. Et nous y avions cru, tout bêtement. Ils vont nous faire croire que le 9 octobre, ils ne s’en mêleront pas non plus, et nous y croirons ! Comme s’il y avait un quelconque progrès dans l’histoire. La raison dans l’histoire, disait malicieusement Hegel ; mais quelle raison ? La question est aussi bête qu’elle le paraît. D’autant qu’au fond, il n’y a jamais eu qu’une seule raison, celle du plus fort, du loup dans la bergerie. De l’empire des Pharaons à celle de Sarkozy en passant par la Grèce antique, Rome et les autres, aucun empire n’a jamais toléré à ses frontières, dans sa zone d’influence une démocratie ou quoi ce soit d’autre qui ne soit l’expression de sa volonté souveraine. Chaque fois qu’une pareille incongruité se produit et s’impose, tous les bons analystes commencent à surveiller le compte à rebours qui rythme la fin de l’empire. Parce que voyez-vous, chaque empire naît, se développe et prospère sur le dos de sa périphérie. Cette règle ne connaît aucune exception historique.
« Les tributs perçus sous Thoutmôsis III par son vizir ou chancelier Rekhmiré, représentent la valeur colossale pour l’époque de 36692 deben d’or, soit plus de trois tonnes, dont 2700 kg en provenance des seules provinces asiatiques et des îles de la mer Egée », nous dit Cheikh Anta Diop. Les Grecs et les Romains de l’antiquité appliquent rigoureusement la même règle après l’Egypte.La France, que ce soit celle de Charlemagne, de Napoléon Bonaparte ou de Sarkozy ne peut pas, n’a pas les moyens de faire autrement, à moins d’avoir choisi de suicider sa puissance. Car où se fait réellement la puissance de la France aujourd’hui ? Dans son PNB. Et où se fait le PNB de la France ? Epluchez le rapport d’activité du CAC 40 et vous comprendrez bien des choses. Chaque fois qu’une entreprise du CAC 40 perd un gros contrat au profit d’une concurrente hors hexagone, la France ne peut raisonnablement que regretter les effets pernicieux de la démocratie de par le monde. Passe encore que cela se passe hors de sa zone d’influence. Mais que la démocratie, la vraie, s’installe au Gabon ou au Cameroun, et que du coup les réserves de l’empire soient livrées à la concurrence ! Vous imaginez-vous la Chine ou le Brésil, avec leurs offres bon marché en train de piquer sous le nez du CAC 40 tous les marchés juteux qui se négocient actuellement dans les coulisses de l’Elysée et se signent dans les capitales périphériques ? Ah non ! La démocratie en Afrique francophone est un luxe que la France ne peut pas se permettre. Figurez-vous le groupe Bolloré jouant d’égal à égal avec les Sud-Africains, les Sud-Coréens, les Brésiliens et qui d’autre encore… On aurait sauvé quelque chose au rail camerounais, pour ne pointer que le petit bout de l’iceberg, et évité quelques catastrophes meurtrières. En revanche, le CAC 40 se serait mis à faire la grimace.
Vous comprenez pourquoi le centre ne peut s’accommoder de la démocratie à la périphérie que forcé ? Sous cet angle, les discours comme ceux de la Baule ne sont que de cyniques fumisteries. Et lorsque vous écoutez Sarkozy jouant au démocrate et au promoteur de la démocratie urbi et orbi, pour peu que vous ayez votre tête sur les épaules, vous ne pouvez vous empêcher de vous exclamer : « Mon Dieu ! Il faut vraiment qu’il soit convaincu que je suis la reine des pommes ! ». Et au fond, ne l’êtes-vous pas ? Il est si facile de vous berner que cela en devient ennuyeux.
Prenons quelques exemples. On vous a dit qu’il n’y avait pas de démocratie en Iran et la société iranienne n’a pas réussi à vous prouver le contraire en organisant des manifestations d’une ampleur que vous n’avez jamais vu qu’à la télévision. L’Iran ne mérite pas Ahmadinedjad ? Soit. La Libyene mérite pas Kadhafi ? Soit une fois de plus. Aussi l’a-t-on évacué, comme l’on sait. Le Venezuela ne mérite pas Hugo Chavez ? Soit derechef. Mais pourquoi diable le Burkina Faso mériterait-il Blaise Compaoré, le Congo Sassou Nguesso, le Cameroun Paul Biya, le Togo Eyadema fils, Madagascar Andry Rajoelina et le Gabon Bongo fils ?
Ma foi, la raison en est bêtement simple : certains petits gars savent faire allégeance et remplir le coffre-fort de l’empire – autrefois on parlait de payer tribut ; le Gabon a le PIB du Portugal mais comme ce pays équatorial n’est au fond que la boutique de son suzerain, il ne faut pas confondre l’argent du patron et celui du boutiquier – d’autres ont le toupet de vouloir jouer aux petits caïds et menacent doublement les intérêts de l’empire : en l’appauvrissant et en donnant le mauvais exemple. Et cela est intolérable, in-to-lé-ra-ble, je vous le dis ! Alors, quand vous écoutez Mamane chaque matin se gausser de nous et de lui-même, comme le bouffon royal qu’il semble se plaire à contrefaire, en tout cas comme tous ces nègres de service que l’empire a transformés en petits soldats de ses causes inavouables, songez à la chance que vous avez d’appartenir à un si grand empire, consolez-vous et revenez sur terre : ne rêvez plus à la démocratie, surtout si vous croyez qu’elle vous tombera du ciel, je veux dire de Paris, Londres ou Washington. Pourquoi pas de chez le bon Dieu lui-même, lui qui par son fils unique bien-aimé vous a dit pourtant clairement que son royaume n’est pas de ce monde ? Et d’ailleurs, qui vous a dit que la démocratie existe, a jamais existé réellement quelque part ?
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