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Le défi démocratique au Cameroun : l’obstacle religieux

Par Roger KAFFO FOKOU, auteur de Demain sera à l’Afrique, l’Harmattan, 2008


Dans une lettre ouverte aux évêques du Cameroun, un certain P. Ludovic Lado, Jésuite, s’émeut de la collusion qui prévaut depuis toujours – en tout cas depuis au moins deux décennies de son avis - entre le clergé catholique et le pouvoir camerounais. Une collusion source d’incohérence, comme il le souligne : « Mais, que nous servez-vous depuis près de deux décennies sur la scène publique ?  De l’incohérence et de la cacophonie ! », s’indigne le respectable prêtre de la compagnie de Jésus. L’Eglise coloniale s’était déjà illustrée comme un puissant auxiliaire des colons et de l’administration coloniale et un farouche adversaire des syndicats libres et du nationalisme camerounais. Comme l’écrit l’historien Richard Joseph, « Beaucoup de prêtres étaient si conservateurs qu’ils s’opposaient à toute forme d’action syndicale »[1]. Et il cite à l’appui Franz Ansprenger pour qui « Beaucoup de missionnaires considéraient l’activité syndicale comme un péché mortel »[2]. Le rôle de Monseigneur Mongo dans l’assassinat du nationaliste Um Nyobé reste à ce jour un sujet à controverse, de même que celui de Monseigneur Albert Ndongmo dans l’arrestation d’Ernest Ouandié et ce qu’il en suivit. Dans le cas du Cameroun donc, en colonie comme en post colonie, l’Eglise catholique semble avoir choisi d’être constamment du côté du pouvoir. Pour autant, est-il rigoureusement exact de dire comme cet intellectuel, que « La Conférence épiscopale est devenue la énième section du RDPC » ? En scrutant le positionnement traditionnel des instituions religieuses et l’évolution  dudit positionnement ici et là, nous verrons d’une part pourquoi le problème va au-delà de la seule Eglise catholique, ce qui ne la dédouane nullement, et d’autre part qu’il sera plus long et plus difficile de changer le Cameroun contre les princes des religions organisées qui y sont installées.


Les catholiques bien sûr, mais pas seulement…

Commençons par une anecdote vécue. Le système éducatif camerounais aujourd’hui en lambeaux s’est détérioré sous les yeux de tous, y compris des forces religieuses (Les institutions scolaires confessionnelles sont autant que les privées laïques des centres de prolétarisation inhumaine des travailleurs de l’éducation). Le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES) a toujours nourri l’ambition de contribuer à reconstruire cet édifice délicat. Convaincu qu’il s’agit-là d’un combat d’avant-garde qui permettra à terme de gagner la lutte contre la pauvreté et pour le respect des droits, nous avons voulu y associer le clergé, dans le cadre d’une campagne que le SNAES a préparé en novembre 2007 pour l’année scolaire 2007-2008. Cette campagne n’avait rien de spécifiquement syndical et le texte que nous avions adressé aux autorités religieuses disait clairement ceci :


« nous avons décidé de conduire au cours de l’année scolaire 2007-2008 une campagne pour faire signer un pacte pour l’éducation dont l’objectif principal est d’amener notre gouvernement à mettre en œuvre les mesures que nous dictent les défis stratégiques auxquels fait face notre pays aujourd’hui ; ces défis sont ceux de l’émergence progressive du sous-développement d’ici 2040. Nous pensons que cela est possible ».

Des correspondances personnalisées avaient été adressées nommément à Son Eminence le cardinal Christian TUMI, au Révérend Pasteur Simon P. NGOMO de l’EPC, à Monseigneur Victor TONYE BAKOT archevêque de Yaoundé, au Révérend Pasteur Isaac BATHOMEN de l’EEC, au responsable du Conseil supérieur du culte musulman au Cameroun.   Aucune des personnalités morales ci-dessus énumérées n’avait daigné s’émouvoir du sort de l’éducation des jeunes Camerounais. Poussant notre logique jusqu’au bout, nous étions allé personnellement rencontrer le plus officiellement progressiste d’entre eux, le cardinal TUMI. Il nous avait reçu poliment mais nous avait éconduit gentiment et les mains vides, économe de sa signature et peu désireux d’apporter son soutien à un pacte en faveur d’une meilleure éducation pour les jeunes Camerounais.


Le clergé, une aristocratie de droit divin au-dessus de la condition roturière

Quelle leçon tirer de cette mésaventure ? Les hommes d’église, quelle que soit leur confession, sont de manière fondamentale conservateurs, y compris ceux qui tiennent un discours public progressiste, y compris sur des questions qui ne sont pas a priori politiques, comme les questions d’éducation. Ils défendent traditionnellement et comme instinctivement le statu quo, et donc contribuent au maintien en place des pouvoirs établis, même quand de manière évidente ceux-ci agissent dans le sens contraire de la doctrine officielle de l’Eglise qu’ils représentent. C’est cela qui donne lieu à ce que le père Ludovic Lado qualifie « d’incohérence et de cacophonie », mais qui relève au contraire d’une forte cohérence profonde.


Quand on remonte l’histoire des peuples et des sociétés, il est aisé de s’apercevoir que les clergés n’ont jamais été du côté des peuples, parce qu’ils ont toujours constitué en tous temps une aristocratie, supérieure ou moyenne selon les époques et les lieux. L’expression « les princes de l’Eglise » tire ainsi son fondement des réalités historiques quasi universelles. Parce que, comme l’affirmait déjà saint Paul « tout pouvoir vient de Dieu » - sain Paul sera repris par saint Augustin l’un des pères les plus anciens et les plus influents de l’Eglise – il paraît normal que le pouvoir échoie aux serviteurs de Dieu, donc à la hiérarchie des Eglises. Les métaphores religieuses « pasteurs » et « ouailles » expriment clairement cette distinction entre la cléricature, humanisée, et le troupeau populaire, animalisé. Comment les animaux du troupeau pourraient-ils aspirer à partager le statut social et le sort de leur berger ? Ces bêtes humaines sont d’ordinaire, pour le pasteur, des vaches « bonnes à lait, bonnes à veaux », comme le dit un célèbre personnage de Césaire dans La Tragédie du roi Christophe.


Sous l’Ancien régime français on le sait, l’aristocratie est constituée à la fois des hommes de guerre (noblesse d’épée) et du clergé à qui s’ajoutait la noblesse dite de robe (justice, finance…). Les choses ont changé dans la forme mais pas dans le fond, si vous vous donnez la peine de bien les observer. Chez les musulmans, les responsables religieux cumulent tous les pouvoirs, politiques, judicaires comme législatifs. En Iran, comme l’écrit Ignacio Ramonet, existe encore aujourd’hui « l’institution du velayat faguih (littéralement : « le magistère du maître religieux ») – qui établit l’autorité d’un « Guide suprême » non élu au-dessus de celle du président de la République désigné, lui, par les urnes »[3]. En Inde, la caste des brahmanes se situe au sommet de la hiérarchie sociale. Les titres que continue de porter la hiérarchie des Eglises, notamment les très conservateurs catholiques, traduisent également avec fidélité l’auto-affirmation de cette appartenance à la classe des commandeurs : « monseigneur », « éminence »… Quelle communauté de statut y avait-il entre un « seigneur » et un simple individu dans le régime de féodalité de droit qu’a connu l’essentiel du passé de l’humanité ? Et dans le régime de féodalité déguisée que vit notre époque de fausse démocratie, comment voudrait-on qu’il en soit différent ?


En finir avec le cliché de la neutralité

Ce que le révérend père jésuite Ludovic Lado reproche au haut clergé catholique camerounais, c’est l’abandon par celui-ci du principe de la neutralité de l’Eglise face au politique : « Cette remise en cause de la neutralité de la hiérarchie de l’Eglise catholique dans le jeu politique entre le parti au pouvoir et l’opposition camerounaise, m’a donné à réfléchir, car elle rejoignait certaines de mes préoccupations ». Historiquement, cette neutralité est consacrée, dans le cadre français, par la loi de 1905 qui institue la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Aux Etats-Unis, elle remonte à plus loin encore, à la fin du XVIIIe siècle, lorsque la liberté religieuse devient un droit inaliénable et naturel et que sous l’impulsion de Madison, les principes du libre exercice religieux et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat vont être établis. L’Etat du XIXè siècle, en France comme en Grande-Bretagne, est un Etat sous tutelle des marchands ; et cette séparation de l’Eglise et de l’Etat consacre en fait un arrangement entre deux pouvoirs, le pouvoir marchand et le pouvoir religieux, arrangement dans lequel sont pris en compte toutes les autres composantes de l’ancienne aristocratie (les noblesses d’épée et de robe deviennent de grands corps de l’Etat), au détriment de la classe des anciens serfs constituée de tous ceux qui monnaient leur force de travail pour vivre. La loi française de 1905 qui porte séparation de l’Eglise et de l’Etat peut de ce fait être interprétée comme une convention de partage de pouvoir entre des forces sociales rivales depuis l’antiquité. Cette neutralité proclamée, eût-elle été véritable, nous eût-elle satisfaits moralement ?


Comme nous le rappelle à juste titre le Révérend père Ludovic Lado, Jésus disait à ses apôtres : «Heureux les persécutés pour la justice, le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5, 10). Cette exhortation trace une voie et indique tout un programme. Elle ruine irrémédiablement la thèse de la neutralité de l’Eglise et en fait non plus un compromis mais une compromission contraire à la lettre et à l’esprit des écritures. Dans une situation de conflit, elle magnifie l’engagement et le positionnement pour la justice. Mais puisque pour saint Paul « Tout pouvoir vient de Dieu », comment se positionner contre le pouvoir établi quand celui-ci est manifestement contraire à la justice ? Ce faux dilemme est en fait un sophisme : « Tout pouvoir, devrait-on dire, vient de Dieu, ou alors du diable ». La scène de la tentation l’affirme pourtant avec suffisamment de clarté :


« L’esprit du mal l’emmène plus haut. En un instant, il montre à Jésus tous les royaumes de la terre et il lui dit :

- Je vais te donner tout le pouvoir et la richesse de ces royaumes. Oui, je suis le maître de tout cela, et je le donne à qui je veux. Donc, mets-toi à genoux devant moi pour m’adorer, et tout cela est à toi »[4].


Ces pouvoirs avec lesquels les Eglises de diverses confessions pactisent viennent-ils de Dieu, ou au contraire du diable ? Entretenant et vivant de l’injustice, comment de tels pouvoirs viendraient-ils de Dieu ? Les religions, tant qu’elles affirment travailler pour le bien, doivent sortir de la neutralité formelle et prendre courageusement position pour la justice. Situation impensable jusqu’à une certaine époque, elle est désormais de l’ordre de la réalité historique, ce qui fait dire que notre clergé, chrétien, musulman ou autre, doit rattraper son retard pour permettre à notre pays de rattraper le sien.


Le rôle central des Eglises dans l’émancipation des peuples

Traditionnellement associées aux pouvoirs établis jusqu’à la fin du XIXè siècle un peu partout dans le monde, les Eglises du XXè siècle ont entrepris de faire leur aggiornamento dans nombre de régions du monde.


En Occident, en réaction aux doctrines sociales qui menaçaient de lui voler son discours (l’un des fondements les plus indiscutables du socialisme est la doctrine chrétienne : dans Acte des apôtres 2, 44 à 45, il est écrit : « Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun ». Ces paroles seront reprises par Marx pour décrire le processus de redistribution au stade de la société communiste.), le christianisme va susciter l’émergence de syndicats chrétiens et de partis politiques de la démocratie dite chrétienne. C’est un pas de fait en direction du peuple, et un sacrifice important : car admettre le principe démocratique même de manière purement formelle, c’est entamer la déconstruction de l’édifice du droit divin. Ces concessions sont cependant vite recyclées par le dispositif censitaire de la démocratie libérale de marché et neutralisées. Aussi, les partis de la démocratie chrétienne, en Italie ou en Allemagne, ne sont pas plus populaires que ne l’était le parti communiste d’union soviétique, ou que ne l’est le parti communiste chinois.


Au Moyen-Orient, l’échec des partis Baas d’inspiration populaire et communiste va entrainer l’émergence d’un courant politique religieux fondamentaliste et populiste plus connu aujourd’hui sous le nom d’islamisme. En Iran, il conscientise les masses, les mobilise, les soulève et permet à l’Ayatollah Khomeiny de prendre le pouvoir en 1979. Contrairement à ce qu’en disent les idéologues du néolibéralisme, cette révolution qui voie le clergé musulman iranien s’allier aux masses pour conquérir et conserver le pouvoir depuis 1979 n’a pas eu que des conséquences négatives, si l’on en croit Ignacio Ramonet : « Ses trois grands succès sont d’ordre social (Les déshérités ont bénéficié de la révolution), éducationnel, (campagne d’alphabétisation, généralisation de l’enseignement gratuit, plus de deux millions d’étudiants – femmes en majorité – dans l’enseignement supérieur) et démocratique (Les scrutins de mai 1997, de mars 1999 et de février 2000 se sont déroulés dans la transparence) »[5]. Aujourd’hui, l’on oublie souvent de le dire, si le peuple iranien est devenu une force que le régime des mollahs bride difficilement, c’est en raison directe des acquis de la révolution islamique. Cette capacité d’un islam non pas neutre mais militant, politiquement engagé auprès des défavorisés explique aussi dans une importante mesure le dynamisme du champ politique sénégalais en particulier et ouest-africain en général.


Les confréries religieuses jouent en effet un rôle politique et économique central en Afrique de l’Ouest et cela explique sans doute, entre autres[6],  pourquoi cette région est l’une des plus avancées au plan démocratique en Afrique subsaharienne. Le cas du Sénégal avec la confrérie des mourides mérite d’être signalé ici. Les Mourides sont une confrérie importante particulièrement présente au Sénégal et en Gambi, fondée au début du XXè siècle par le Cheikh Ahmadou Bamba. Elle est la confrérie la plus puissante au Sénégal et peut-être en Afrique de l’Ouest. Elle donne des consignes de vote et son leader spirituel est consulté par les hommes politiques de tous bords. Abdoulaye Wade est le premier président mouride du Sénégal. On sait que l’administration coloniale eut maille à partir avec les Mourides et qu’elle déporta Cheikh Ahmadou Bamba successivement au Gabon et en Mauritanie avant de le retenir en résidence surveillée au Sénégal jusqu’à sa mort.


Aux Etats-Unis, le rôle des Eglises dans la sélection du leadership politique n’est plus à démontrer[7]. L’étroite connexion des hommes politiques avec les religieux est connue. Dans une interview au journal Le Monde de novembre 2004, la journaliste franco-américaine Barbara Victor, affirmait : « Il y a 80 millions d'évangélistes en Amérique, qui sont à 42 % du Parti républicain. Parmi les 80 millions d'évangélistes, il y en a au moins 65 millions qui votent ». Un pouvoir électoral donc politique exorbitant. Plus loin, parlant de l’influence des évangélistes sur la scène politique américaine, elle citait le cas de Falwell, un évangéliste qui a la plus grande université évangéliste en Amérique et fondateur de la droite chrétienne américaine : « Falwell a eu l'oreille de tous les présidents américains depuis les années 1950. Pourquoi ? Parce que la coalition chrétienne a toujours eu une influence sur la politique en Amérique. Et comme je l'ai écrit dans mon livre, tous les politiciens et politiciennes avaient besoin d’avoir Dieu comme "copilote" pour gagner la majorité ». Lorsqu’après sa licence en droit Barack Obama se lance dans l’activisme social et décide d’être « organisateur communautaire» dans les quartiers noirs misérables de Chicago, il soupçonne peu l’étendue du pouvoir des hommes et femmes d’Eglise sur la communauté noire. Sur le terrain, il apprend que le meilleur moyen d’atteindre cette communauté qu’il ambitionne de transformer passe par les églises locales et les pasteurs les plus charismatiques. Comment expliquer une telle emprise des Eglises (méthodistes, baptistes) sur les populations africaines américaines ?


Un homme d’Eglise, le pasteur Otis Moss[8] a essayé de synthétiser les raisons de ce phénomène dans un poème :


"Je suis un homme noir (...)
J’ai beau avoir 50 ans,
On m’appelle " mon garçon"(...)
Pendant six jours, je ne suis personne,
Même pas un être humain (...)

Mais le dimanche,
Dans mon église,
Je rassemble tout mon être.
J’y retrouve intégrité et plénitude.
Oui, dans l’église noire
Je deviens une personne!
A la fois Mère, Père, Consolatrice et Protectrice,
Mon église noire est un lieu social,
Un foyer de liberté, un centre culturel,
Le réservoir de mon héritage spirituel
Le chant de mon âme (...)


C’est aussi ce que pense Bruno Chenu[9] pour qui le christianisme noir est « d'abord un lieu d’affirmation, de reconnaissance, d’identification. Envers et contre tout, le christianisme a permis aux asservis de conquérir leur humanité. Il a été le lieu où ils ont pu se sentir exister comme personnes et comme peuple parce que c'est Dieu lui-même qui décrétait leur identité et leur dignité. Grâce aux récits bibliques, les Africains ont retrouvé leur confiance en la vie, ils ont préservé leur santé morale, ils ont découvert un avenir (...) ».  


Comme on peut le remarquer, la particularité du christianisme africain américain n’est pas d’être neutre ; au contraire, il est extrêmement engagé pour la cause de ceux à qui il prêche ; il prêche la théologie de la libération, tout comme l’Eglise d’Amérique latine qui a été taxée à une certaine époque d’Eglise rouge en raison de son engagement auprès des masses défavorisées, engagement pour lequel elle n’a pas hésité à emprunter aux méthodes de la « praxis » marxiste.


La théologie de la libération est en effet connue pour être surtout un courant de pensée théologique venu d’Amérique latine et dont la visée est de rendre dignité et espoir aux laissés-pour-compte de la société néolibérale vivant dans des conditions intolérables. Le fait significatif en Amérique latine est qu’aussi bien les catholiques que les protestants ont fait cause commune dans cet engagement en vue de libérer les déshérités : le premier congrès catholique consacré à la théologie de la libération eut lieu à Bogota en mars 1970 et juillet 1971. Les Protestants firent de même à Buenos Aires. L’histoire retient que l’année suivante,  un Congrès des Chrétiens pour le socialisme, rassemblant catholiques et protestants, se tint à Santiago du Chili : sur les 400 délégués présents, 70% étaient des prêtres. Il suffit de regarder l’Amérique latine aujourd’hui, avec le niveau de développement et d’engagement politique de ses masses pour mesurer l’effet produit à ce jour par la théologie de la libération. On s’apercevra vite qu’il n’y a pas le moindre rapprochement avec le comportement et le discours des Eglises camerounaises.


Notre peuple a mal à ses Eglises…

Au Cameroun, le clergé œcuménique est coutumier de grand-messes commandées par le pouvoir en place en faveur de la paix. Récemment, au lendemain de l’élection controversée du 9 octobre 2011 qui a vu M. Biya s’octroyer un nouveau mandat de 7 ans à la tête de l’Etat camerounais après 28 ans de règne, et alors que la communauté internationale rechignait à lui concéder des lettres diplomatiques de félicitations, ce clergé s’est précipité, d’un, pour contrer l’appel à manifester de l’opposition politique (« tout mot d’ordre de manifestation donné par les leaders de certains partis politiques est irresponsable »), de deux pour organiser une messe d’intronisation au cours de laquelle, surprise, s’est chanté l’hymne national à l’intérieur du temple. Un engagement donc ferme et total auprès du pouvoir en place.


Dans un pays où les temples, chrétiens, musulmans ou autres sont les seuls lieux de rassemblements quotidiens de millions d’individus de toutes les classes sociales, où les leaders religieux sont les seuls qui s’adressent au jour le jour à la portion la plus importante de la population à travers ses sermons et autres prêches, c’est une erreur fondamentale d’analyse que d’imputer aux hommes politiques d’opposition – qui organisent à peine quelques meetings à l’approche des échéances électorales – l’échec de la mobilisation populaire et l’inertie sociale. Ce ne sont pas les Fru Ndi, Ndam Njoya, Garga Haman et autres qui sont responsables en premiers chefs de la dépolitisation du Cameroun. A la limite, ce n’est même pas Paul Biya et sa médiocre machine du RDPC qui ont tué chez les Camerounais le sens de de la politique et de l’engagement social pour l’idéal : ce sont les princes des Eglises quelles que soient leurs confessions. Et tant que ces ministres des cultes seront les alliés objectifs ou subjectifs des forces qui écrasent nos populations, les meilleurs responsables politiques de l’opposition se heurteront à un mur infranchissable de léthargie.



[1] Richard Joseph, Le Mouvement nationaliste au Cameroun, Karthala, 1986, p.209

[2] Franz Ansprenger cité par R. Joseph, op. cit., p. 209

[3] Ignacio Ramonet, Guerres du XXIè siècle, Galilée, 2002, p.79

[4] Luc 4, versets 5 à 7, Nouveau testament, Société biblique française, 1990

[5] Ignacio Ramonet, Guerres du XXIè siècle, Galilée, 2002, pp. 77-78

[6] L’implantation des médias de masse au Sénégal est la plus ancienne de l’Afrique noire francophone.

[7] Il suffit de citer les plus célèbres leaders africains américains, Martin Luther King Jr et Jesse Jackson.

[8] Pasteur Africain américain de l’Eglise Trinity United Church of Christ de Chicago qui prêche la théologie de la libération des Noirs.

[9] Bruno Chenu, Le grand livre des Negro Spirituals, Bayard, Paris, 2000, p.136

 



22/11/2011
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