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L’ÉDUCATION EST MIEUX QU’UN JEU, C’EST UN ENJEU CRUCIAL POUR DEMAIN (Edito paru dans Germinal)

Pour financer des jeux, le Cameroun ne manque jamais de moyens : panem et circenses, disaient les Romains. Ainsi, afin de s’assurer les exploits des Lions indomptables au cours de la dernière CAN, des millions de francs ont été sortis des caisses, par centaines et sans délai. Il a suffi d’un bâton magique : la volonté présidentielle. On ne cesse pourtant de répéter sur tous les tons que les temps sont durs. Ce n’était cependant pas une mauvaise opération et nous n’allons pas bouder le plaisir que nous a procuré le magnifique trophée conquis de haute lutte à Libreville face aux Pharaons. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, toutes choses égales par ailleurs, il vaut bien les centaines de millions que l’on a dépensés pour le promener dans nos régions.

L’appétit vient, dit-on, en mangeant. Pour préparer la prochaine édition du même exercice ludique panafricain, depuis deux années, le MINSEP a vu ses moyens littéralement exploser : son budget d’investissement est passé de 9,7 milliards de francs en 2015 à 164,4 milliards en 2016, puis 132,5 milliards en 2017 ; soit une augmentation, tenez-vous bien, de 1594,84% et 1266,05% en 2016 et 2017 par rapport à 2015. D’où a-t-on sorti autant de milliards en temps de vaches dites maigres ? Mystère et boule de gomme. La magie du sport a dû passer par là.

Depuis 2012 cependant, le Gouvernement promet et diffère la tenue d’un Forum national de l’éducation. 22 ans après les états généraux de l’éducation de 1995 et alors que la mondialisation s’est accentuée, que l’on est passé au tout numérique et que la planète a basculé dans l’économie du savoir, cet exercice est pourtant nécessaire pour repenser l’éducation du pays, redéfinir les profils de ses principaux acteurs afin de mieux déterminer le choix de leurs équipements en vue de la rude bataille de notre véritable indépendance. Cinq années de suite, le Gouvernement dans ses arbitrages budgétaires n’a pas trouvé un peu d’argent à consacrer à cette activité stratégique ! L’argent, vous le savez, c’est le nerf de la guerre. Combien faut-il donc d’argent pour organiser un forum national de l’éducation ? Quelques centaines de milliards ? Heureusement, non ! Quelques dizaines alors ? Non, derechef ! Alors combien ? Tout au plus 1,5 milliards de francs.

Et comment se fait-il qu’on n’ait pas trouvé 1,5 milliards de francs pour repenser l’éducation de ce pays pendant que l’on a trouvé facilement 277,5 milliards de francs en deux années pour financer la préparation de jeux, fussent-ils panafricains ? La question mérite sérieuse réflexion.

L’éducation, la bonne éducation est, comme l’on sait, le plus grand bien que l’on puisse donner à ses enfants, à la jeunesse. Les sports participent à cette éducation, mais davantage sous l’angle de l’éducation physique. Nous aimons pourtant beaucoup notre jeunesse et ne tarissons pas de mots pour dire notre passion à son endroit. Mais devant la seule chose qui peut réellement lui faire du bien et faire son bien, l’éducation, nous nous laissons paralyser d’une crise aiguë d’avarice, et notre générosité devient intolérablement mesquine. Trouvera-t-on le petit milliard et demi nécessaire à l’organisation d’un forum national de l’éducation digne de notre jeunesse et des ambitions de notre pays ? Comme le démontre si bien le cas du football, il ne s’agit pas d’une question de pouvoir mais de vouloir.

Il est vrai, un coup de cœur pourrait tout aussi bien faire l’affaire. On n’aurait plus qu’à tendre la sébile aux diverses administrations, aux opérateurs économiques, aux bailleurs de fonds internationaux… Un petit jeton par ci, un franc par là, un cent plus loin… Pauvre éducation réduite à jouer les mendiants aux portes des riches, alors que les jeux, de simples jeux croulent sous le poids de l’abondance ! Qui veut la fin veut les moyens ? Si cet aphorisme dit vrai, il faut croire que nous ne voulons pas d’une éducation de qualité pour nos enfants, en d’autres termes, nous ne les aimons pas assez pour vouloir véritablement leur bien.

Le fait d’avoir accepté d’organiser ce forum, ce simple fait à lui tout seul, ne traduit-il pas la réalité d’une détermination nouvelle ? pourrait-on néanmoins se demander. Dans les circonstances qui sont celles de notre pays aujourd’hui, nous est-il permis d’organiser un forum de l’éducation au rabais, un simulacre  de forum national de l’éducation parce que nous ne voulons pas dépenser un petit milliard et demi dans le même temps où nous trouvons par centaines des milliards à dépenser pour des jeux généralement sans lendemain ? Notre jeunesse comprendrait-elle une telle (il)logique ? L’histoire nous pardonnerait-elle une pareille aberration du jugement ?

 

Roger KAFFO FOKOU

Enseignant écrivain

 



04/04/2017
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