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LES BANQUES : que peuvent-elles réellement réclamer aux Etats ?

Par Roger KAFFO FOKOU, auteur de Capital, travail et mondialisation vus de la périphérie, l’Harmattan, 2011

 

Dans un article précédent, « Les banques : faut-il en avoir peur ? », nous avons essayé de montrer en quoi les banques en particulier et les établissements financiers en général peuvent constituer véritablement une menace pour chacun de nous pris individuellement. Avec les banques, il ne faut pas avoir peur de le dire, c’est souvent ouvertement ou hypocritement « Votre bourse ou votre vie !». En janvier 1994, les créanciers internationaux imposent au Cameroun leurs conditions à travers leur bras armé, le Fonds Monétaire International ; et l’Etat camerounais est sommé de prendre un certain nombre de mesures drastiques dont la réduction des salaires des fonctionnaires de près des trois quarts pour faciliter le paiement du service de la dette extérieure du pays. Les  banquiers intérieurs se chargent de parachever le travail commencé par leurs patrons internationaux : les fonctionnaires camerounais endettés au moment des coupes salariales se retrouvent sans salaire pour certains pendant plus de cinq années, la totalité de ce qui leur restait de rémunération épongée par les traites bancaires, au mépris de la loi qui définit le quota saisissable du salaire. Il s’agissait là d’une véritable guerre contre des populations civiles sans défense, avec des armes économiques de destruction massive. Le bilan de cette catastrophe n’a pas encore été fait. Le mécanisme par lequel les banques prennent notre vie en otage et nous tiennent à leur merci est subtil et pernicieux, revêtu d’une apparence de légalité mais fondamentalement illégal et immoral.  

 

Le véritable fonds de commerce des banques : le crédit, à la fois volontaire et forcé

Théoriquement, les banques vendent de l’argent et leurs services en matière d’intermédiation financière. La réalité est souvent à des années-lumière. Comme nous le disions dans le précédent article sur les banques, en fonction du niveau des réserves obligatoires fixé par la loi et du taux directeur fixé par la banque centrale (le second paramètre représentant le bénéfice que la banque centrale entend elle-même tirer de l’opération de refinancement des banques), le banquier peut vendre à ceux qui ont besoin d’argent d’une part ses disponibilités en caisse, d’autre part un multiple de ces disponibilités qui en fait n’existe pas.  Ce n’est qu’au fur et à mesure que vous venez emprunter auprès de la banque que cette partie-là émerge des écritures. C’est le sens de l’adage qui dit que « Les crédits font les dépôts ». En fait, si personne ne demande du crédit, l’effet de levier dont bénéficie la banque en vertu de la loi reste une virtualité et le banquier n’a rien ou pas grand-chose. Lorsque vous payez vos dettes, ces avoirs fictifs disparaissent des écritures mais il reste le bénéfice que vous avez créé qui lui est bien réel. Le banquier se sert donc de vous pour créer de l’argent. Pour que la banque vive et se développe, il faut de ce fait qu’elle ait des gens qui lui empruntent de l’argent. Qu’est-ce qui se passerait si la banque n’avait pas suffisamment d’emprunteurs pour équilibrer ses dépenses de fonctionnement[1], de croissance (on dit pudiquement d’investissement) et faire des bénéfices ? Il ne lui resterait qu’une alternative : fermer, ou si elle le peut et c’est préférable, vous contraindre à vous endetter. C’est exactement ce que les banquiers internationaux ont toujours fait.

 

Remontons un tantinet le temps. Vers la fin du XIXè siècle, les banquiers internationaux profitent de la montée des nationalismes en Europe et des rivalités coloniales entre des puissances industrielles montantes pour encourager et financer une course aux armements : « Les dépenses consacrées aux armées s’envolent. Les fortifications frontalières (du moins à la fin du XIXe siècle), l’artillerie (le fameux canon de 75 de l’armée française) et les flottes de guerre (le Dreadnought britannique et les cuirassés allemands) absorbent une bonne partie des budgets des États. Le matériel est modernisé et la durée du service militaire allongée dans plusieurs pays »[2]. Dans son livre Les Secrets de la réserve fédérale, Eustace Mullins cite le Quaterly Journal of Economics d’avril 1887 sur la situation de l’endettement de l’Europe : « Une revue détaillée de la dette publique européenne met en évidence des intérêts et des remboursements de fonds d’amortissement qui s’élèvent chaque année à $5.343.000.000 [5,3 milliards de dollars]. La conclusion de M. Neymarck[3]  est très proche de celle de M. Atkinson. Les finances de l’Europe sont tellement compromises que les gouvernements [européens] pourraient se demander si la guerre, malgré toutes les circonstances épouvantables qui l’accompagnent, ne serait pas préférable au maintien d’une paix aussi précaire que coûteuse. Si les préparations militaires de l’Europe ne débouchent pas sur la guerre, elles pourraient très bien aboutir à la banqueroute des Etats-Unis. Et si de telles folies ne conduisent ni à la guerre, ni à la ruine, alors elles se dirigent à coup sûr vers une révolution industrielle et économique ». Devant cette perspective s’ouvre une opportunité : le financement d’une éventuelle guerre en Europe. La Réserve fédérale américaine est créée en 1913 et un an plus tard, l’Europe entre dans la première guerre mondiale. Elle en ressortira surendettée, les Américains ayant prêté aux alliés pendant la guerre pas moins de 25 milliards de dollars.

 

Revenons à la situation des pays du tiers-monde, les pays en développement (PED) comme on les appelle. Leur endettement commence véritablement dans les années 60 et s’aggrave dans les années 70. C’est un bel exemple d’un endettement forcé.

 

En 1947, les Etats-Unis lancent le plan Marshall et déversent 12,5 milliards de dollars en Europe (soit 90 milliards UDS en valeur d’aujourd’hui). Les banques européennes profitent de la décolonisation pour recycler ces sommes, énormes pour l’époque, dans les pays que l’on vient de ruiner au moment de leur accorder des indépendances nominales (cf. « La françafrique : une spécificité française ? » sur le même blog). C’est la période dite des eurodollars. Nous savons qu’au moment de quitter les colonies, les principales puissances ont emporté la caisse et les meubles.  Y avait-il un meilleur moyen d’obliger ces « Etats » nouvellement « indépendants » à s’endetter ?

 

La deuxième grande période se situe dans les années 1970. En 1971, les Etats-Unis qui traversent une crise mettent fin au système monétaire international (SMI) qu’ils ont eux-mêmes mis en place en 1945 à Bretton Woods : le SMI faisait du dollar la monnaie de référence et obligeait les Américains à garantir le dollar par l’or afin de contrôler ainsi la fabrication du billet vert. Ayant entre temps fait fonctionner la planche à billets sans retenu (La guerre du Viêt-Nam et à la course à l’espace), les Américains qui à la fin de la deuxième guerre mondiale détenaient les 2/3 des réserves d’or mondiales voient celles-ci se fondre et décident de mettre fin à cette convertibilité. Conséquence, ils peuvent fabriquer désormais des dollars de façon illimitée (des faux dollars donc !) et les prêter aux nécessiteux, sans risquer leur réserve d’or. Ces eurodollars, auxquels viennent s’ajouter à partir de 1973 les pétrodollars,  naturellement affluent dans les banques européennes qui les refilent « généreusement » aux anciennes colonies sous forme de prêts. Entre temps, Mc Namara, ancien Secrétaire à la défense des Etats-Unis et « chef d’orchestre » de la guerre du Viêt-Nam (celle-ci aurait coûté aux Etats-Unis selon Victor Levant dans Guerre du Viêt-Nam directement 140 milliards de dollars et indirectement 900 milliards. Ceci explique en bonne partie l’inflation de la fin des années 60 aux Etats-Unis) devient, comme par hasard, président de la Banque Mondiale. De 1968 à 1973, il met en œuvre sous couvert de la guerre froide une dynamique politique d’incitation à l’endettement : c’est l’époque des coups d’Etat et les budgets de défense des dictatures explosent, les dettes de ces pays également, comme les recettes des groupes militaro-industriels.

 

Le soutien aux dictatures reste de ce fait l’un des moyens les plus efficaces pour contraindre les Etats à l’endettement. Pour Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, ex économiste en chef de la Banque mondiale, il s’agit d’un processus de corruption pure et simple. Dans La grande désillusion paru chez Fayard en 2002, il affirme «  Dans de nombreux cas, les prêts étaient destinés à corrompre des gouvernements pendant la guerre froide. Le problème n’était pas alors de savoir si l’argent favorisait le bien-être du pays mais s’il conduisait à une situation stable, étant donné les réalités géopolitiques ». Ces cadeaux généreusement offerts aux dictatures avaient d’ailleurs l’avantage de retourner rapidement dans les caisses des banques prêteuses, et quelquefois n’en sortaient même pas. Voici ce qu’en dit Eric Toussaint du CADTM[4] : « Imaginons que je possède une banque occidentale et que je souhaite gagner un marché dans un pays en développement (c’est-à-dire l’amener à emprunter de l’argent à ma banque) Pour cela, je propose au chef d’Etat d’un PED qu’il effectue un emprunt au nom de son Etat, en contrepartie de quoi je déposerai dans le même temps sur des comptes ouverts dans ma banque une partie des sommes que j’ai prêté à son Etat et qui deviendront sa propriété personnelle. Cette incitation à la corruption est très intéressante pour ma banque. D’une part, une partie des montants que j’ai prêtés revient dans ma banque et peut donc être reprêtée à d’autres clients. D’autre part, si un jour ce chef d’Etat en question considère que la dette de son pays ne peut plus être remboursée, je peux utiliser les sommes déposées, sans statut légal, dans les coffres de ma banque comme moyen de pression sur lui, pour qu’il reprenne les paiements. Il s’agit là d’une pratique systématique dans les milieux bancaires internationaux [c’est nous qui soulignons] »[5]. Quelques exemples pris parmi les pays les plus pauvres du monde illustrent parfaitement ce propos : les cas d’Haïti et du Zaïre actuel RDC. Selon un document de Plateforme Dette & Développement, « Lorsque Mobutu est chassé du pouvoir par Laurent Désiré Kabila en 1997, sa fortune, disséminée en avoirs bancaires dans une multitude de paradis fiscaux, est évaluée aux 2/3 de la dette publique totale du Zaïre » ; et « A la chute de J-C Duvalier en 1986, la dette externe du pays était évaluée à 800 millions de dollars, soit à peu près l’équivalent de la fortune estimée du clan Duvalier-Benett »[6].  Cette analyse d’Eric Toussaint montre que les stratégies « gagnant/gagnant » ne datent pas d’aujourd’hui, et qu’elles peuvent même difficilement se distinguer des ententes maffieuses. Et comme le dit l’adage « l’appétit vient en mangeant », plus le banquier gagne de l’argent sur votre dos, plus grandit chez lui l’envie d’en gagner davantage, par tous les moyens.

 

Les stratégies d’aggravation de la dette : de véritables hold-up  

Quand un banquier consent un prêt à un client dont la solvabilité est douteuse, il prend ses précautions : hypothèque d’une valeur largement au-dessus de la créance, taux d’intérêts élevé… La meilleure façon pour un banquier d’arracher un bien de valeur à un individu, c’est de prêter à ce dernier de l’argent garanti par ce bien en sachant que l’affaire qui se finance n’a aucune chance de réussite. La plupart des prêts consentis aux pays du Tiers-Monde l’ont été dans des contextes et à des conditions qui font inévitablement penser à un hold-up. Dictatures aux gestions opaques, corrompues ; infrastructures économiques embryonnaires… taux d’intérêts variables, indexés sur les taux d’inflation des pays du nord.

 

Le choc pétrolier des années 1973-75 débouche sur une récession dans les principaux pays du nord créanciers du sud. Pour lutter contre cette récession, les Etats-Unis en panne de croissance et de capitaux, qui veulent attirer chez eux des capitaux étrangers, augmentent les taux d’intérêts, et les autres pays du nord, afin de rester compétitifs, alignent les leurs. Les dettes des PED, contractés à taux variables, voient leurs taux d’intérêts se multiplier par trois ! La dette grimpe et devient insoutenable. Parallèlement, les prix des matières premières (celles-ci représentent jusqu’à 84% dans les revenus des pays comme le Bénin) s’effondrent[7]. C’est la spirale de la dette.

 

La spirale de la dette est un cycle dans lequel plus le débiteur paie, plus il lui reste à payer. Vous en arrivez à un stade où vous êtes contraint d’emprunter – à des taux de plus en plus élevés puisque vous êtes désormais un débiteur à haut risque – pour rembourser vos échéances arrivées à maturité. Un cas concret : Selon la banque mondiale, le total des remboursements des PED de 1980 à 2004 s’élève à 5300 milliards de dollars. Or en 1980, la dette n’était que de 540 milliards de dollars. En 2004, malgré ces paiements, elle est encore de 2600 milliards de dollars[8]. Faisons un petit calcul : en 24 ans, les PED ont payé 10 fois ce qu’ils avaient emprunté initialement, et il leur reste 5 fois cette même dette à payer.

 

La spirale de la dette débouche généralement sur l’insolvabilité. Lorsqu’il s’agit d’un individu, le banquier saisit un huissier de justice qui, au nom de la loi, saisit les biens du défaillant et les met aux enchères. Pour les Etats, le syndic de saisie est le Fonds Monétaire International.

 

Le FMI, bras armé des banquiers internationaux

Pour feu le Professeur Tchudjang Pouemi, ex économiste au Fonds Monétaire International, le FMI n’était pas autre chose qu’un fonds de misère instantanée. Cette institution est en effet l’huissier des institutions financières qui détiennent les dettes des Etats. Lorsque le FMI débarque dans un pays qui n’arrive plus à payer sa dette extérieure, il fait main basse sur l’essentiel de l’argent disponible, impose l’augmentation d’impôts indus et surtout non consentis (la TVA, prétendument prélèvement sur la valeur ajoutée, est payée par le consommateur qui n’est ni celui qui ajoute de la valeur au produit, ni celui qui profite de la valeur ainsi ajoutée. La TVA est donc fondamentalement une taxe injuste)  pour accroître les revenus qu’il peut éponger, réduit à la misère les secteurs sociaux, ce qui accroît la précarité, la délinquance sociale, la corruption, la grande criminalité, l’instabilité politique et finalement aggrave le sous-développement. Lisez plutôt sur le tableau ci-dessous un exemple des agrégats économiques qu’imposent les plans d’ajustement structurel du FMI aux Etats :

 

 

En pourcentage du budget

En pourcentage du budget

Pays

Services sociaux  service de la dette

Service de la dette

 Cameroun

4%

36%

 Côte-d’Ivoire

11,4%

35%

 Kenya

12,6%

40%

 Zambie

6,7%

40%

 Niger

20,4%

33%

 Nicaragua

9,2%

14,1%

                                              Source : PNUD 2000

Pour apprécier les conséquences de cet état des faits sur les secteurs sociaux, l’exemple du secteur social de l’éducation au Cameroun depuis 1994 est éloquent (lire sur le même blog « Education dans la tourmente : le calvaire des enseignants camerounais depuis 1993 » et « Coût de l’éducation au Cameroun et déscolarisation massive sous le Renouveau »).  Les grandes épidémies naguère en voie de disparition ont refait surface ici et là, y compris dans certains pays du nord : tuberculose, choléra… Le patrimoine de l’Etat, édifié avec argent du contribuable et autres ressources publiques a été vendu aux enchères (on préfère dire pudiquement privatisé), parfois au franc symbolique[9], en contrepartie d’énormes commissions empochées par les barons des systèmes en place. En clair, en quelques décennies, les banquiers internationaux nous ont contraints, avec la complicité des politiciens, à nous surendetter, puis ils ont envoyé leur huissier – le FMI – saisir nos salaires, nos budgets sociaux, nos entreprises qu’ils se sont fait attribuer dans des simulacres de privatisation, bref nous ont tout prix, sans que nous ayons la consolation d’être débarrassés de ces maudites dettes ! D’où la question : avons-nous raison de continuer à payer ces dettes-là ? N’est-il pas temps de réfléchir au moyen de sortir des griffes des banquiers ?

 

De la légitimité du pouvoir de plus en plus exorbitant des institutions financières

En matière de dette, on distingue la dette bilatérale, multilatérale et privée. Pourquoi nous appesantir sur la dette détenue par les institutions financières ? Parce qu’elle représente la plus grande partie de l’endettement. Les dettes des PED sont détenues à 58% par des banques, et à 22% par des institutions multilatérales : cela fait en tout 80%. Ces banques envers qui nous devons tant d’argent ne disposaient en termes d’argent réel que d’un maximum de 20% des sommes qu’elles nous ont prêtées. C’est la vérité du fameux effet de levier. En vertu de la suppression du SMI en 1971 par les Etats-Unis, le coefficient de cet effet de levier a été multiplié par n, dans la mesure où l’obstacle de la parité-or et la garantie de la convertibilité-or n’existaient plus. Les banques occidentales ont donc fabriqué toutes ces années des faux billets qu’elles nous ont prêtés au monde entier, maintenant au pouvoir dans nos pays des dictateurs grâce à la complicité de qui elles nous ont livré un maximum de ces faux billets. Et le moment venu, comme nous ne pouvions rembourser, elles ont saisi nos patrimoines nationaux et se les ont attribués dans des simulacres de vente. Jusqu’en 2009, cette situation ne concernait que les PED. La crise de la zone euro a désormais ouvert un chapitre nouveau dans l’escalade de ce scandale international.

 

Avec l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, la Grèce et maintenant l’Italie, le monde développé est enfin lui-même tombé entre les griffes des financiers internationaux. En usant de tous les moyens pour échapper au FMI à l’aube de la crise actuelle, l’Europe montre qu’elle a toujours su que le système de Bretton Woods n’avait rien de tolérable. C’est le Docteur Frankenstein subitement traqué par sa propre créature. Pour l’instant, malgré leur colossal endettement, les Etats-Unis sont encore épargnés par ce pouvoir de l’ombre, parce qu’ils leur servent de bras armé pour contraindre les autres à payer. Quand ils auront assez de pouvoir, ils s’attaqueront aussi aux Etats-Unis. Que l’on se souvienne de l’histoire de la grande hanse de la fin du Moyen Âge : «  La Hanse effectue sa première action politique majeure en 1362, lorsqu’elle déclare la guerre au roi de Danemark, Valdemar IV, en représailles de la prise de Visby, sur l’île de Gotland. La victoire finale sur le Danemark — qui se voit obligé, en 1370, de verser des dédommagements, de céder des territoires stratégiques et de faire de nouvelles concessions — augmente considérablement la puissance et le prestige de la Hanse. Peu après, le roi Richard II d’Angleterre confirme les traités commerciaux préférentiels que son gouvernement a conclus avec les villes de la Hanse »[10].

 

L’honnêteté voudrait que l’on paie ses dettes, mais pas au créancier déclaré, qui peut ne pas être le propriétaire des sommes qui vous ont été prêtées. Quand il le l’est pas, l’honnêteté exige que lesdites dettes soient payées au créancier légitime. Comment rembourser à des particuliers des sommes que la loi (c’est-à-dire le peuple) leur a permis  de fabriquer et qu’ils ont ensuite prêtées au dit peuple en leurs noms à eux seuls ? Il y a là une véritable escroquerie qu’il faut dénoncer.

 

La dette des pays de l’OCDE s’est accrue de 10000 milliards de dollars depuis 2008 seulement, sans que cela corresponde à une production conséquente de biens et services. Par un simple jeu d’écriture, des banquiers ont alourdit l’endettement des Etats et gonflé le volume de leurs portefeuilles. On sait que la Fed a prêté à l’économie américaine, rien que depuis 2008 plus de  2843 milliards de dollars[11], des milliards qui ont gonflé les chiffres de l’endettement des Etats-Unis et sur lesquelles le contribuable américain paie d’énormes intérêts, alors que cette somme n’a coûté aux banquiers que les frais d’impression. Quant à la Bank of England, elle a acheté jusqu’en 2010 environ 200 milliards de livres d’actifs – certainement pourris – aux institutions financières, offrant ainsi aux banques, compagnies d’assurance et fonds de pension d’utiliser cet argent pour le prêter ou pour acheter des obligations émises par d’autres banques.  Si l’on calcule le montant total cumulé d’année en année des intérêts perçus par les institutions financières sur des sommes fabriquées en vertu de la loi, des sommes utilisées pour gonfler leur patrimoine, et dont elles se sont servies pour lancer des entreprises qui sont devenues des multinationales, acheter ou racheter celles de ceux qu’elles ont mis en faillite par des procédés de concurrence déloyale, il ne restera rien à payer aux institutions financières. Au contraire, il est fort probable que ce sont elles qui auront de l’argent à reverser aux Etats. Il est temps que l’on y songe sérieusement.



[1] C’est le secteur le mieux rémunéré : lire pour cela François de Closets, Toujours plus !, Grasset, 1982 ; jetez aussi un coup d’œil sur les montants des bonus que les banques d’affaires distribuent à leurs traders.

[2] Wikipédia, première guerre mondiale,

[3] Neymarck, Alfred, rapporteur de la chambre de commerce de Paris au début du XXè siècle, écrivain, auteur entre autres de Turgot et ses doctrines, tome II, Librairie Guillaumin, Paris, 1885

[4] Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM)

[5] CADTM, « A qui profite la dette ? », Les renseignements généreux, octobre 2006

[6] Plateforme Dette & Développement, « Dette odieuse, à qui a profité la dette des pays du sud ? », p.9 et p. 10

[7] Sur les stratégies qui ont fait chuter ces prix : ces mêmes bailleurs de fonds se sont contentés de financer des productions concurrentes à ces produits dans d’autres régions du monde, notamment en Asie du sud-est.

[8] Informations fournies par le CADTM, « A qui profite la dette ? », Les renseignements généreux, octobre 2006

[9] Très souvent, l’on impose aux Etats de les viabiliser (donc d’y dépenser au préalable de l’argent public !) avant de les céder aux filiales des multinationales. La banane camerounaise, privatisée dans les années 90, a rapporté à l’acquéreur dès la première année d’acquisition plus de 600 millions de francs CFA de bénéfice.

[10] "hanséatique, Ligue." Microsoft® Encarta® 2009 [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.

[11] Le Monde.fr du 14 juillet 2011



19/12/2011
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