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Loin des idées reçues, la France entre idéal et mensonge

Quand je pense qu’il fut un temps où la France était pour moi un modèle, un modèle en tous les domaines! Hélas, tout change, et… « Aux plus belles choses, le temps se plaît à faire un affront. ». Me voici donc bien nostalgique. Mais de quoi ai-je la nostalgie ? D’une France réelle même passée, dépassée, surpassée, ou d’une France imaginaire dont l’idée - une (in)certaine idée de la France, disait l’autre, et il ne savait pas si bien dire ! -, inoculée en moi, insidieusement pour ainsi dire, n’a cessé de me hanter, à la manière d’une obsession ou plutôt d’une possession, au fil du temps ?

Quelqu’un qui parle en mon nom sur toutes les tribunes d’ici et d’ailleurs, sans se soucier le moins du monde de mon avis, s’est déclaré, un jour mémorable, le meilleur élève d’un certain président Français dont il est depuis avéré que la vérité n’était pas la litanie quotidienne, ni la tasse de thé de ce dernier. Un président qui a menti avec un charisme extraordinaire aux Français sur tout : son programme politique, sa situation matrimoniale, sa politique étrangère (Il allait, avait-il promis dans ses 111 propositions, se débarrasser de la françafrique et des dictateurs qui polluaient cet espace françafricain si cher pour toutes sortes de raisons… Pauvre Jean-Pierre Cot !), son bulletin de santé… et la liste est probablement encore aussi longue que le tracé de l’Orient-Express.

De quelle France suis-je donc nostalgique ? De la France des beaux mots sans doute, de cet espace imaginaire qu’ont ciselé des auteurs de fictions parmi les plus brillants que le monde ait connus. Comment ne pas admirer la France quand l’on admire François Villon, Ronsard, Du Bellay, Corneille, Racine, Chateaubriand, Victor Hugo, Musset, Vigny, Lamartine, Baudelaire… ? Comment ne pas aimer la patrie de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » ? Il y a pourtant un avis, que de nombreux auteurs « honnêtes » destinent aux lecteurs, et dont le message aurait dû alerter plus sérieusement notre attention : « En raison du caractère très romanesque de cet ouvrage, l’auteur  déclare que les noms, événements, dialogues et opinions présentés ici sont le produit de son imagination et ne doivent pas être pris pour la réalité. Il décline toute responsabilité et rappelle qu’il s’agit d’une œuvre de pure fiction. ». Et si la France que nous avons jusqu’ici admirée n’avait jamais été qu’une pure fiction ? Refaisons-y un petit tour…

Louis XIV, ce roi-soleil si encensé, et dont les livres d’histoire et de littérature francophones sont pleins à déborder, qu’était-il au fond sinon un sinistre dictateur, un barbare dont n’importe quel pays de n’importe quel hémisphère aurait honte aujourd’hui ? N’est-ce pas lui qui promulgua cet horrible et inhumain texte que fut « Le Code noir » ? Juste un exemple, un tout petit extrait de ce charmant code que le monde doit au roi-soleil : «art. 33 à 36, et art. 38 : Tout fugitif disparu pendant un mois aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lys avant d'avoir le jarret coupé en cas de récidive, et condamné à mort à la deuxième récidive. ». Laissons-le, comme dirait Bernard-Henri Levy, dans les profondeurs d’une histoire grimaçante, et scrutons un tableau plus attrayant, la Révolution de 1789, l’immortelle. Si attrayant que cela ? C’est à voir. Que disait donc la Révolution française ? « Liberté-égalité-fraternité » ? Ah ! Ces mots ne devaient pas avoir les significations d’aujourd’hui ! Sinon, la Convention ne devait pas poser que cette égalité ne s'appliquait qu'aux habitants de la métropole (où il n'y avait pas d'esclaves à l'époque) et pas à ceux des colonies d'Amérique, et plus tard la république confirma  qu’ils ne s’appliquaient pas non plus aux indigènes des colonies d’Afrique. Un petit mensonge de rien du tout sans doute ? Soit. Sauf que toute la révolution ne fut qu’un mensonge : elle se proclamait citoyenne et ne fut que bourgeoise, aussi ne fut-ce guère une surprise quand elle sombra dans la terreur. On comprend pourquoi entre la république, l’empire et la royauté, la France ne sut jamais vraiment choisir. On peut penser, bien naïvement, que depuis la IIIe république, ce choix est fait : erreur.

C’est en effet sous la IIIe république française que l’empire français a été bâti (12 millions de Km2). Mais qu’est-ce que c’est que ce couple bizarre « république/empire français » ? Une autre supercherie, pardi ! Comment peut-on promouvoir des valeurs républicaines au même moment que l’on bâtit un des empires les plus cruels de l’histoire ? Rappelez-vous, dans l’empire français et contrairement à l’empire britannique, la plupart des nationalistes ont été éliminés là où la compromission n’a pas été acceptée : Oum Nyobé, Ossendé Afana, Ernest Ouandié,  Barthélemy Boganda, Sylvanus Olympio… et remplacés par des fantoches ! On comprend pourquoi, à l’aube des « indépendances », dont De Gaule avait dit solennellement qu’il ne les accorderait jamais (Conférence de Brazzaville), les mots encore une fois se chargèrent d’embellir la réalité : ainsi le Franc des colonies d’Afrique devint celui de la Communauté française d’Afrique (1958) puis finalement de la Communauté financière d’Afrique ; le ministère des colonies fit rapidement sa mue, et devint celui de la Coopération. Plus c’est gros, disait l’autre, et plus ça s’avale !

La France a donc une longue tradition de mensonge, sur tout et à propos de tout. Je ne veux pas dire qu’elle est la seule dans ce cas de figure. Mais elle a toujours su se ménager une façade vertueuse, prude, qui en a abusé plus d’un. Et, de plus en plus, cette façade se craquèle, transformant le naguère radieux sourire de l’hexagone en pitoyable grimace. On comprend pourquoi un nombre croissant de Français peinent à reconnaître leur pays aujourd’hui : quand les masques les plus dissimulés, intimes tombent…

Tenez : Sarkozy ne s’est pas gêné pour venir en Afrique mentir sur l’histoire de l’Afrique ? Ce n’était que côté empire. Mais a-t-il fait mieux côté république ? Ce « travaillez plus pour gagner plus » n’est-il pas devenu « travaillez plus pour gagner moins » ? Et les réformes promises : les a-t-il faites ? Laissons-le donc là où il est. Et intéressons-nous à François Hollande, le grand ennemi de la finance, le riche champion des pauvres. Sa réforme bancaire n’a-t-elle pas été plus clémente que celle de David Cameron ? Ces impôts qu’il avait promis de ne pas augmenter, à quel niveau les a-t-il déjà portés ? Qu’avait-il promis à la pauvre Trierweiler ? Elle ne nous le dira pas certainement, dommage ou tant mieux ! Regardez-la donc mentir, la classe politique française actuelle, de tous les bords, comme elle le fait avec délectation : Cahuzac, Copé, Valls, Taubira… Epluchez un peu les fameuses déclarations de patrimoine, et vous aurez de belles surprises.

Dites-moi, Sarkozy avait-il besoin, dans une tribune du 21 mars 2014, de mentir sur des faits déjà avérés en prétendant qu’il a appris que son téléphone était sur écoute dans les journaux ? Quand le mensonge devient une seconde nature… Ecoutez les intellectuels français : je pense surtout à ce charmant Bernard-Henri Levy et ses affabulations libyennes. Devant ce pauvre pays aujourd’hui durablement sinistré par la révolution pour laquelle il a tant travaillé, que pense-t-il de son statut d’intellectuel ?  Est-ce qu’il ne le gêne pas aux entournures ? Il faudrait qu’il soit au départ un homme de bien, or il n’est sans doute qu’un homme de biens. Et dans cette nouvelle France si ancienne, gare à ceux qui disent la vérité : aux galères ou en exil, même s’il s’agit d’un exil intérieur ! Où sont donc passés MM. De Villepin, Bertrand Badie et j’en passe ? Leurs propos n’ont pas plu ? Ils dissonaient de plus en plus dans le chorus ambiant. Diable ! On se croirait aux temps de Napoléon « le petit » !

Non, vraiment, l’exemple, le bon exemple je veux dire, il n’est jamais venu de France, de la France. Cela ne devrait pas nous empêcher d’aimer la littérature française : elle a produit tant de chefs-d’œuvre ! Encore faut-il pouvoir distinguer l’univers de ces œuvres du monde réel. Et si vous ne pouvez vous passer du vin de Bordeaux, assurez-vous au moins qu’il n’est pas faux, tropicalisé. Mais même dans ce cas, il risque fort de vous enivrer, et de vous livrer pieds et poings liés à votre imagination.   

Roger Kaffo Fokou, essayiste et poète

https://demainlafrik.blog4ever.com



21/03/2014
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