Migrations : les flux commencent à s’inverser entre le Nord et le Sud !
Par ANAÏS BOUNIOL dans Le Point.fr du 27/07/2012 à 17:14
Des Européens qui émigrent clandestinement en Afrique, des Sud-Américains qui prennent leur retraite en Europe... Le monde à l'envers.
Les choses changent. Les flux migratoires s'inversent. Ainsi, aux États-Unis, pour la première fois depuis la Grande Dépression, les clandestins ne rêvent plus de franchir le Rio Grande. Ils sont en effet aujourd'hui plus nombreux à quitter le sol américain qu'à y entrer. Impensable il y a quelques années encore... "C'est principalement le déclin de la demande de main-d'oeuvre, et non les restrictions imposées par les politiques migratoires, qui explique la chute de l'immigration pendant la crise", explique Angel Gurria, le secrétaire général de l'OCDE.
Mais est-ce la seule raison ? Le rêve américain ne s'écroulerait-il pas aussi ? Le constat est là : les migrations à destination des États-Unis ont chuté de 8 % en 2010. Tous pays confondus. Et plus largement, l'immigration permanente à destination des pays de l'OCDE a connu une baisse de 2,5 % en 2010...
Fuite des cerveaux
Ainsi, des immigrés clandestins espagnols ont été interceptés à la mi-avril sur la côte... algérienne ! La grave crise économique qui frappe l'Espagne avait poussé ces quatre jeunes à chercher du travail en terre africaine... et à faire la traversée dans une embarcation. Le Courrier international s'en amusait, imaginant même un dialogue entre deux gardes-côtes algériens : "Omar : Mais tu as raison, ils viennent vers nous. Et qu'est-ce qu'on fait dans ce cas-là ? Moi, je sais gérer les départs, pas les arrivées."
Car, contrairement aux idées reçues, les Africains immigrent désormais d'abord sur leur continent. Le volume des migrations interafricaines est sept fois supérieur à l'émigration de toute l'Afriquede l'Ouest vers le reste du monde. L'Afrique est aussi une terre d'immigration pour les Chinois. Leur nombre était estimé à 1 million en 2009. Résultat, si, depuis des générations, les pays en développement souffrent de la "fuite des cerveaux" vers l'Occident, le mouvement s'inverse, en particulier vers des pays comme la Chine et l'Inde et, dans une moindre mesure, le Brésil et la Russie. Une mauvaise nouvelle pour des économies occidentales déjà touchées par la crise ?
Travailleurs qualifiés
"Sans parler encore de tarissement de la source, il faut prendre conscience de la compétition accrue avec l'Asie, explique Jean-Christophe Dumont, chef de la division migrations à l'OCDE. Les pays asiatiques représentent une concurrence réelle comme pays de destination pour des migrants hautement qualifiés, qui, jusqu'alors, se dirigeaient vers les économies occidentales."
La montée en puissance des économies asiatiques, moins touchées par la crise, a changé la donne. "À l'avenir, il n'est pas si évident que les pays de l'OCDE pourront encore faire appel à cet apport régulier de travailleurs qualifiés", prédit-il. Les raisons de ce changement sont simples. Si les pays de l'Est et du Sud-Est asiatiques forment de plus en plus leur main-d'oeuvre qualifiée, ils sont aussi en mesure, aujourd'hui, de créer les conditions pour les faire rester, voire pour attirer des cerveaux d'autres régions du monde.
Les riches populations des pays en développement s'offrent désormais même une retraite tranquille enEurope, comme pouvaient le faire, il y a de cela quelques années, de riches Français, à Marrakech, par exemple. À l'instar de la capitale portugaise qui incarne à présent un petit coin de paradis pour de riches Brésiliens. Certains passent la moitié de l'année à São Polo pour affaires, mais ne supportent pas l'insécurité qui règne encore dans le pays. Ils se réfugient alors à Lisbonne, où la langue n'y est pas un obstacle. Encore fallait-il y penser.
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