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Obsèques officielles de Ni John Fru Ndi : le dernier complot du régime contre le Chairman

  1. La grande mystification

Le Chairman du SDF, Ni John Fru Ndi, s’en est allé le 12 juin 2023 à Yaoundé. La République lui a rendu les honneurs dus à son rang et à sa stature par des obsèques officielles organisées à partir du 27 juillet 2023 au palais des sports de Yaoundé devant un parterre impressionnant. La République ? Nous y revenons. A l’exception de M. Paul Biya, toute la République officielle en effet, celle-là même qui avait manœuvré pour l’écarter du pouvoir en 1992, s’y côtoyait, s’y bousculait. Le temps de ces obsèques, il s’est passé quelque chose de bizarre, de quasi indéfinissable, qui a tout empreint d’un profond malaise. Cette sorte de communion républicaine provisoirement retrouvée, juste le temps d’un lamento officiel aux accents un tantinet trop pathétiques, sous les très officiels auspices du RDPC parti concurrent ( !), avec comme grand maître des cérémonies M. Jean Kuété propulsé au rang inattendu et si peu constitutionnel de Représentant personnel du Chef de l’Etat, avait de quoi, il faut bien se l’avouer, susciter quelque malaise mais encore ?

Les ors et les flonflons de la République n’ont pas été épargnés pour la circonstance, et ces 03 journées, sous fort encadrement militaire (guerre du NOSO oblige), auront brillé de mille feux. De quoi rendre jaloux tous ces dignitaires accourus là sur ordre, sur ordre du grand patron, pour s’incliner bon gré mal gré devant les restes illustres de quelqu’un qu’ils ont combattu et vilipendé maintes fois de son vivant, contre qui ils ne se sont guère privés de médire, qui cependant les a constamment surplombés comme un géant au milieu de nains. De quoi les rendre jaloux, parce qu’ils se doutent bien que Ni John Fru Ndi est probablement l’une des rares personnes de ce pays pour qui Paul Biya, leur créateur, a probablement eu un véritable respect, une considération authentique, et que cela est antinomique, incommensurable à leurs statuts de créatures du prince qui d’ordinaire ne méritent que le mépris de ce monarque. De quoi les rendre jaloux, parce que jusque dans la mort, cet homme aura été ostensiblement au-dessus de la minable condition qu’ils partagent, eux, avec le commun des Camerounais, et que cela ne s’est jamais si bien vu que dans le cadre de cette cérémonie d’obsèques dont ils sont certains de ne pouvoir, le moment venu, bénéficier d’une semblable pour la plupart d’entre eux. Quelle est cependant la source du grand malaise qui a plané tout du long sur ces obsèques ? Il m’a fallu réfléchir longuement pour trouver celle-ci.

En fait, ces obsèques ont été l’occasion, pour le régime, de voler Ni John Fru Ndi une seconde fois de ce qu’il mérite. Chef de l’Etat spolié de cette prérogative en 1992, il ne pouvait certes mériter moins que ce qu’on lui organisait là pour obsèques. En 1992, il fut une première fois dépouillé de sa victoire à l’élection présidentielle. Cette fin du mois de juillet 2023, il ne s’agissait que de l’honneur posthume dû à son véritable rang, à la différence du rang que la forfaiture de 1992 lui aura finalement fabriqué. Tout s’est pourtant passé comme si la magnanimité du Chef de l’Etat seule décidait de la grandeur symbolique posthume à lui accordée. Le RDPC, on a pu le constater, n’a pas arrêté de surenchérir volubilement et tacitement, en paroles et en gestes, sur ce thème, écartant pour le coup l’Etat de la centralité organisationnelle de l’événement pour lui substituer ses apparatchiks. Ce n’était plus l’Etat reconnaissant rendant à Ni John Fru Ndi les honneurs dus à son rang ; c’était le RDPC, son Président, son Secrétaire Général, ses cadres, accompagnés mais au second rang seulement par l’Etat ; c’était le RDPC qui, en toute magnanimité, décidait de grandir Ni John Fru Ndi à titre posthume, par une cérémonie au prestige soigneusement pesé, aux ors  minutieusement calculés, le tout agrémenté d’une décoration dont on ne sait si le défunt l’aurait acceptée de son vivant. Aux yeux de toutes les personnes distraites, ce maquillage a si bien fonctionné que beaucoup se sont mis à penser à la gratitude posthume qui devrait être celle du défunt chairman du SDF à l’endroit de son illustre bienfaiteur.  

Et comme toujours au Cameroun, les uns et les autres se sont mis à se demander si une telle munificence magnanime, de la part d’un régime habituellement inflexible avec ses opposants, pouvait être gratuite. Que paie le pouvoir chez Fru Ndi ? Ses collusions passées ? Ses trahisons ? Ses compromissions ? Même de brillants intellectuels, sur les plateaux de télévisions, n’ont pas échappé à cette savante mystification. En fait, ces trois jours de la fin de juillet 2023, le pouvoir camerounais a tout organisé pour enterrer définitivement le défunt Chairman du SDF, corps et renommée, physiquement et symboliquement, afin que le grand homme qu’il a été à un moment de l’histoire de ce pays, ne s’en aille plus que comme un simple redevable du régime et de la magnanimité de son Chef, qui pour la circonstance aura pris soin de confier l’office de ce rituel programmé pour être celui du grand oubli à ses lieutenants, afin que tout se termine dans l’ambiguïté d’une cérémonie officielle curieusement officiée par des personnes privées, sous le regard spectateur des véritables représentants de l’Etat réduits à n’en être que des témoins même privilégiés. Comme sur du papier à musique ! Cela a-t-il marché et peut-il marcher ?  (à suivre)

 



02/08/2023
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