OTS, syndicats, gouvernement et autres face aux revendications des enseignants : sortir du bal masqué pour jouer franc jeu 2
Dans le premier texte sur les actuels événements, j’ai annoncé qu’une « fatwa » avait été lancée contre moi et qu’elle avait déchaîné une meute de gens « indignes » d’intérêt, parce qu’ils n’étaient que de pauvres gens amputées de leur cervelle, de toute lucidité, de toute capacité d’analyse. Et que derrière eux, il y avait des intelligences ou des bêtises plus intéressantes et souvent monstrueuses. Le premier groupe que j’ai campé la semaine dernière était un de ceux qu’on peut qualifier d’intelligences monstrueuses : celui des experts et décideurs du Gouvernement. Intéressons-nous cette semaine à celui de la bêtise, tout aussi monstrueux, parfois plus dangereux d’autant plus qu’aveugle.
Parmi ceux qui m’ont appelé sans répit ces derniers temps, écrit pour me harceler, il y avait parfois des profils curieux : des hommes en tenue ! Je croyais n’avoir affaire qu’à des enseignants. Que faisaient des hommes en tenue dans cette histoire ? Je n’en sais encore fichtre rien. J’y reviendrai. Rappelez-vous, je vous avais montré, dans la genèse d’OTS, ce petit groupe d’enseignants directoire du NCEIC sortis des geôles du système et disparaissant dans la nuit, frustrés et en colère. Eux ne se satisferont plus jamais du paiement de leurs arriérés ou du traitement de quelques actes de carrière que ce soit. En les traitant comme on l’avait fait, on leur avait probablement donné un nouveau but dans leur vie qui transcende peut-être désormais leurs revendications initiales. Ce petit groupe d’OTS fondateurs sera donc sans doute toujours un groupe à part auquel il vaudrait mieux ne jamais se frotter. Ils sont dans la situation des étudiants « parlementaires » des années 1990 que les événements de lors avaient marqués comme au fer rouge. Mais ils ne sont qu’un petit groupe. Ont-ils fait des émules ? Certainement. Jusqu’à quel point ? Il serait intéressant de le savoir.
Avant de parler de ces émules, rappelons à toutes fins utiles que tous les enseignants, depuis des années et de plus en plus avec les années, ont le sentiment et même la conviction d’avoir trop supporté, sont de ce fait peu ou prou OTS. Il n’est donc nullement question ici de les stigmatiser tous. Ils le sont devenus pour de nombreuses raisons. Premièrement par désespoir et frustration. Le sentiment d’être devenus la lie de la fonction publique, matraqués et corvéables à volonté, rançonnés pour non pas la moindre faveur mais le moindre droit, n’ayant presque plus de droits en fait, réduits à quémander des droits transformés en faveurs ! Deuxièmement par colère : beaucoup, bien que se sentant méritants, ont dû payer des sommes exorbitantes pour accéder à l’école normale et en sortir. Ils ont laissé ainsi sur le carreau, quasi ruinés, des parents et des frères et sœurs qui ne pouvaient plus compter que sur eux, et eux sur un maigre salaire qu’ils devaient dédouaner difficilement pour s’occuper de ces sinistres qui n’étaient prévus nulle part. Troisièmement par espoir. Figurez-vous qu’après avoir assisté à l’impuissance des syndicats – impuissance organisée comme nous l’avons montré plus haut – ils se sont réveillés un matin avec la divine surprise d’un mouvement d’un type nouveau, percutant et efficace, et qui ne leur demandait pas grand-chose pour délivrer ses promesses, à part de suivre leurs mots d’ordre. Un mouvement acéphale, insaisissable et contre lequel l’Etat tout-puissant d’habitude, pour la première fois, semblait désemparé : OTS. Et l’espoir jusque-là à l’agonie a repris du sang neuf. Et sans hésiter, ils s’y sont rués. Qui peut imaginer qu’ils auraient pu faire autrement ? Un long affront était enfin en train de se laver. Ces enseignants longtemps ridiculisés et frustrés qui pour la première fois pouvaient se regarder avec fierté, grâce à OTS, c’étaient tous ceux qui avaient ruiné leurs familles pour entrer à l’école normale et qui à la sortie n’arrivaient pas gérer le désastre subséquent ; c’étaient tous ceux qu’on avait affecté dans des coins perdus et qu’on y avait oubliés parce qu’ils n’avaient pas de quoi négocier pour sortir de ces enfers professionnels et qui écrivaient comme cette dame : « Je suis une jeune dame entrée dans l’enseignement il y a quelques années exerçant dans la région du Nord où pour arriver je fais d’abord plus de 24h de route. Mariée il y a à peine 5 ans, j’ai abandonné époux et enfants parce que je dois servir la nation, malgré ça je n’ai même pas un avancement signé. Moi qui par le passé était une jeune dame très joviale je suis devenue la personne la plus colérique qui existe. Si le statut particulier de l’enseignant est signé je ferai désormais 2h de route Garoua-Yaoundé afin d’être un peu plus proche de ma famille, cela éviterait aussi qu’à ma retraite je sois encore là à réclamer mes avancements… »; c’étaient ceux qui avaient dû payer 30 à 40% pour entrer en possession d’un maigre salaire qui leur permettait à peine de joindre les deux bouts, ou se faire payer enfin des arriérés d’un travail effectué au fin fond d’un bagne professionnel… C’étaient en un mot la majorité des enseignants de la base comme du secondaire. Comme un seul homme, ils se sont levés et se sont tout de suite constitués en rempart pour protéger OTS, déterminés à en découdre avec tout ce qui pouvait entraver la route de leur mouvement : l’Etat, l’administration territoriale, l’administration scolaire, les syndicats, puis, progressivement, les traîtres, c’est-à-dire tout enseignant qui ne se soumettait pas d’emblée et sans condition. Et les petits et grands procès ont été lancés, dans l’espace virtuel des réseaux sociaux. Mais qui allait se charger d’inculper et de juger? Tout le monde, ou alors un noyau dissimulé ? Nous sommes là au cœur de cet autre OTS auquel il faut désormais porter une attention particulière.
Lorsque j’ai pour la première fois mentionné cet OTS-là, j’ai immédiatement suscité l’ire d’un groupe aux contours diffus. J’avais parlé exactement « …d’un certain OTS allié à un certain syndicat… » Et une jeune dame m’a envoyé un whatsapp ulcéré : « Ces propos sont-ils de vous ??? », m’interpellait-elle. L’inflation interrogative exprime clairement l’hystérie de l’énonciateur. De son point de vue, OTS était un tout à prendre ou à laisser, y compris dans tous ses excès. Dans toutes les histoires de terreur à toutes les époques et en divers lieux, les choses se sont toujours passées ainsi : les moins scrupuleux deviennent des chefs de bandes, édictent la loi, jugent et condamnent sans arrière-pensées, sans remords, souvent pour avancer des intérêts particuliers dissimulés n’ayant rien à voir avec la cause initiale explicitement annoncée. Ce sont ces groupes obscurs qui ont terni et dévoyé nombre de révolutions. Ailleurs sous d’autres cieux, on les appelle les black blocks. Pour eux, la justesse de la cause justifie tous les abus, et ce qu’ils se plaignent d’avoir subi ou de subir, ils n’hésitent pas à en faire subir dix fois plus aux autres. Quand ils en sont arrivés à ce stade-là, c’est que quelque chose de très grave s’est déjà passé : ils ont alors déjà découvert leur toute-puissance, la toute-puissance de la clandestinité, et en usent avec ivresse : « Voici le numéro de téléphone du traître… Appeler massivement pour le nuire. Il va seulement éteindre son téléphone », balancent-ils sur le Net ! Et un groupe, dit OTS National 2 échafaude un plan diabolique sur injonction d’un de ses fanatiques : « Svp chers administrateurs, veuillez le réintroduire dans tous les groupes OTS pour qu’ensemble nous puissions le laver correctement pour des séances de 30mn… » Et la mécanique infernale est déclenchée.
Mais quel tribunal a donc instruit quelle plainte, fait quel procès pour prononcer cette sentence ? Personne ne l’assumera lorsque, suivant cette instruction clandestine, certains vont passer à l’acte. Ils seront seuls comptables le moment venu. Comme ce numéro 675 13 63 33 qui saute allègrement le pas et m’avertit à une heure tardive de la nuit : « Fais très attention, car tu joues avec les vies (=carrières) des gens » ! Interrogés, certains qui se sont exécutés sans se poser de questions avouent ne pas connaître la cible désignée, ne l’avoir jamais vue. Il a donc suffi que celle-ci soit désignée par cet OTS-là, derrière lequel je doute que les enseignants qui se battent de bonne foi se reconnaissent, et qui se donne tous les droits, se croit tout permis. Jusqu’où est-il capable d’aller ? Jusqu’au meurtre ? Pourquoi pas ? Jusqu’aux attentats ? Pourquoi non ? La ligne entre la clandestinité et le basculement dans la terreur est tellement mince ! Dans le cadre d’un combat aussi légitime, qui suscite comme rarement cela est possible au Cameroun l’adhésion de tous, de telles méthodes sont-elles de nature à conduire le mouvement vers les objectifs escomptés ? On peut en douter. Cautionner de telles méthodes, c’est condamner à terme le mouvement. Ce noyau dur, aussi engagé pour la bonne cause soit-il, mais prêt à user de tous les moyens, disposé à recourir au pire, c’est le côté sombre d’un objet lumineux, sa part de bêtise monstrueuse. Il est toutefois, effet de miroir oblige, comme on le dit dans la théorie des médias, l’image inversée de l’autre monstre, le négatif du pouvoir en place. Peut-être bien que pour le modifier, il faudra commencer par modifier la source dont il n’est que le reflet inversé. En d’autres termes, si le pouvoir ne change… dans son arrogance, son insensibilité, son cynisme, il est à craindre que ce phénomène, marginal pour l’instant, ne devienne la règle dans les années à venir. Quid des autres acteurs de l’ombre de la sinistre tragédie qui se joue actuellement ? Nous y reviendrons prochainement.
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