Présidentielle française : tout pour que Macron passe mais après ?
Dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui une démocratie, même lorsqu’il s’agit d’une très vieille démocratie comme la France, le jeu électoral peut se truquer avec subtilité et finesse, de façon à prendre à défaut la vigilance d’un peuple pourtant vigilant et qui en a vu d’autres. C’est à peu près ce qu’il risque de se passer en France dans quelques semaines : un véritable inconnu du Landerneau politique, Emmanuel Macron, sans expérience ni programme, pourrait se trouver propulsé à l’Elysée. Pour quoi y faire ? Contribuer à sécuriser le programme d’une mondialisation engagée dans une lutte à mort contre des adversaires qu’elle a pu sous-estimer naguère – cf. le triomphalisme des années 1990 – mais que ses propres turpitudes ont rendus de plus en plus puissants.
En fait, qui est Macron ? Il y a de cela quelques semaines, il n’était rien, sinon un incertain avenir politique : sans expérience politique, sans parti donc sans appareil, sans programme, tout juste perché sur un « mouvement », en marche vers nul n’aurait su dire où ni quoi. Comment un tel OVNI a-t-il pu atterrir à cette altitude politique ? Une personne est capable de le dire, mais elle ne le dira probablement pas : François Hollande. Emmanuel Macron est-il une sorte de cheval de Troie de la finance internationale ? Il avait l’air tellement innocent à son entrée en politique, on eût dit alors une œuvre d’art, sortie tout droit de la riche collection de la banque Rothschild. Hollande qui savait à quoi s’en tenir quant à la finance – cf. le discours du Bourget – s’est laissé séduire et l’a pour ainsi dire pris sous son aile. On a l’impression de vivre une fable célèbre de La Fontaine. Réchauffé, Macron a retrouvé sa véritable nature…
Aujourd’hui, un boulevard est ouvert devant Macron, et c’est… François Hollande qui pourrait remettre les clefs du palais au futur pontife ! Mais ce boulevard s’est-il ouvert tout seul ? Que non !
Des sondages opportunément prometteurs l’on placé sur la rampe ; son concurrent le plus sérieux et homonyme à gauche – Manuel Valls – a été nettoyé par Benoît Hamon dont l’irréaliste programme n’a aucune chance de franchir la barrière du centre. Comme en plus Hamon est aussi inexpérimenté que Macron… En fait, Hamon a choisi de laisser la gauche à Macron pour aller disputer à Mélanchon les lointaines terres de l’extrême gauche : un joli cadeau pour le sieur Macron.
A droite comme à l’extrême-droite, la justice est en train de faire place nette. En liquidant Juppé, Sarkozy a inopportunément introduit le grain de sable François Fillon dans une machinerie jusque-là bien huilée. Juppé aurait fait un Macron plus expérimenté, plus légitime mais puisqu’il n’a pu s’accrocher, une grive à la place de la perdrix fera aussi bien l’affaire. Pour cela, il faut s’assurer que les risques droite et extrême-droite sont pas complètement liquidés – ce serait non pas trop gros mais trop grossier – mais seulement contrôlés. Et pour cela, on n’a pas dû aller chercher bien loin : un même type d’affaire a suffi, les emplois fictifs sur budget public. Tout le monde pratique ce petit sport en politique ? On s’en doute bien. Mais la justice est libre de ne s’en prendre qu’à ceux qui aspirent à la plus haute fonction de l’Etat, et il y a même une certaine logique, éthique à ainsi procéder. Cela suffira-t-il à faire condamner les mis en cause ? Pas sûr. Mais ils ne sont officiellement plus au-dessus de tout soupçon, et cela suffit à faire un bruit de tous les diables sur leurs parcours de campagne. De quoi faire décamper bien d’électeurs, qui iront, avec un peu de chance, se jeter dans les bras ouverts de M. Macron.
On a dit que Macron se positionne au centre : qui pourrait désormais en douter maintenant que M. Bayrou l’a adoubé officiellement ? En vérité, je vous le dis, il faudrait un véritable cataclysme de dernière minute pour que M. Macron ne couche pas à l’Elysée dans quelques mois.
Qu’y fera-t-il ? Je suppose, ce qu’il sait le plus faire : faire gagner de l’argent au monde de la finance, en puisant autant qu’il pourra dans les poches les plus pauvres. Les élites intellectuelles, ceux-là mêmes qui voient et comprennent ce qui est en train de se jouer, se taisent et détournent les yeux. Pour qui roulent-ils aujourd’hui, ces intellos ? Il n’y a probablement pas une réponse simple à cette poignante question. Hier, la mondialisation donnait des marges pour manœuvrer ; aujourd’hui, elle les restreint. A quoi le président Macron va-t-il, le cas échéant, préparer le terrain ? Car après lui, il ne restera plus que les extrêmes que l’on n’aura pas encore essayés !
Roger Kaffo Fokou
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