Quelques repères pour connaître et parler des droits humains en expert
Par Roger KAFFO FOKOU, coauteur de Guide pratique pour la connaissance et la défense des droits des enseignantes et des enseignants au Cameroun, Yaoundé, 2005
En français, l’expression « droits humains » est en conflit avec celle de « droits de l’homme ». Dans les autres langues, cette ambigüité n’existe pas, comme on peut le voir dans « human rights ». Il faut dire que la France l’a conservé par nostalgie, en référence au texte célèbre de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. N’empêche que le caractère « sexiste » d’une telle expression devrait inciter à réfléchir et pousser à lui préférer l’expression plus universelle de droits « humain ». A l’origine du concept de droits humains, il y a celui de droits naturels – inaliénables donc sacrés de par leur caractère naturel – par opposition aux droits établis par la société. C’est d’ailleurs de cette caractère naturel que les droits humains tirent leur universalité, les êtres humains étant égaux en principe. Pour comprendre les droits humains tels qu’ils existent aujourd’hui dans les divers codes, il faut pouvoir se figurer le long parcours historique qui les a façonnés, on verra ainsi à quel point le concept a évolué et s’est développé, sur la base d’un certain nombre de caractéristiques fondamentaux.
I. Historique : les grands codes de l’histoire des droits humains
- Le code Babylonien de Hammurabi datant du XVIIIe siècle av. J. C..
- le cylindre de Cyrus (-539), le grand conquérant perse
- la Charte du Mandé proclamé au XIIIe siècle au Mali sous Soundjata Keïta.
- Au Moyen Âge et à la Renaissance en Angleterre : la grande charte (1215) de Jean sans terre ; La pétition des Doits (1628) ; l’Acte d’Habeas corpus (1679) ; La déclaration des Droits (Bill of Rights en 1689)
- La déclaration des Droits de Virginie (1776) par Goerge Mason, largement copiée par Thomas Jefferson pour la déclaration d’indépendance américaine du 4 juillet 1776
- Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) inspirée de la déclaration des droits de Virginie
- La Déclaration universelle des Droits de l'Homme [1] (1948), elle aussi inspirée de la déclaration des droits de Virginie
II. Evolution du concept des droits humains
Quatre générations ont jusqu’ici marqué l’évolution des droits humains :
1. Les droits de la première génération sont civils et politiques (Ils sont restés stables près d’un siècle et sont généralement connus comme des droits libertés, que l’on exerce contre l’Etat, ce dernier ayant l’obligation de les respecter et de les protéger) : les libertés individuelles (droit à la vie, à la liberté, à l’intégrité physique, libertés familiales, propriété privée, liberté contractuelle…) et libertés politiques
2. Les droits de la deuxième génération, appelés « droits-créances » (garantis par l'État sur les autres êtres humains, créances parce que l’individu les réclame de l’Etat, et ils sont ainsi souvent revêtus du caractère d’opposabilité permettant de les mettre en œuvre plus efficacement) sont économiques, sociaux et culturels, et ont été ajoutés par La Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 : couverture sociale, éducation, travail, grève, liberté syndicale…
3. Les droits de la troisième génération sont une catégorie hétérogène et contestée. Ils regroupent les droits environnementaux, les considérations de bioéthique, le droit au développement, le droit à la paix, le droit à l'autodétermination, le droit au partage du patrimoine commun de l’humanité, le droit à la différence, le droit des minorités, le droit à la démocratie…
4. Les droits de la quatrième génération sont des droits dont le contenu peut varier très fortement. Il s’agit généralement de prérogatives au profit des personnes faibles telles que les enfants, les personnes âgées ou handicapées…
III. Caractéristiques des droits humains
Pour bien comprendre le concept des droits humains, il faut bien comprendre leurs caractéristiques, ce qui en fait des droits et non des devoirs, des obligations. Il en existe trois qui sont fondamentaux :
• Les droits de l'homme sont des prérogatives dont les individus ou des groupes sont titulaires. L'État et les institutions sont tenus de les respecter et de les faire respecter.
• Les droits de l'homme sont inaliénables (personne ne peut les perdre, temporairement ou définitivement, volontairement ou non)
• Les droits de l'homme sont universels car fondés sur la raison et non sur les particularismes culturels, ce qui a abouti au droit d’ingérence.
[1] Traduction française
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