Santé en milieu scolaire au Cameroun : les conditions actuelles font de cet espace un vaste bouillon de culture
Par Roger KAFFO FOKOU, auteur de Misères de l’éducation en Afrique : le cas du Cameroun aujourd’hui, l’Harmattan, 2009
« Un corps sain dans un esprit sain », disaient les Latins, pour qui une éducation de qualité devait absolument prendre en considération la double dimension spirituelle et physique de l’homme. Dans l’ordre de prééminence, il apparaît que les Latins faisaient passer la santé physique avant même la santé mentale. Sans santé physique, pas d’éducation ni physique et sportive, ni intellectuelle. La santé scolaire devrait de ce fait être un des enjeux fondamentaux de toute politique de l’éducation qui vise l’efficacité. Quel est l’état des lieux de la santé scolaire dans notre système éducatif ? En nous fondant sur les résultats d’une enquête menée dans une des dix régions de notre pays en 2010[1], en l’occurrence la région de l’Ouest, nous verrons à quel point l’espace scolaire est aujourd’hui démuni des conditions minimales d’hygiène et de salubrité susceptibles de garantir la protection et la promotion de la santé en milieu scolaire.
Les principaux facteurs dont dépend la santé scolaire sont : l’existence d’un centre médico-scolaire au sein de l’établissement, d’une cantine scolaire digne de ce nom, de toilettes convenables et naturellement la disponibilité de l’eau courante.
Dans plus de 75% des établissements de la région que nous avons considérée, les centres médico-scolaires se réduisent à une boîte à pharmacie confiée aux soins d’un membre du personnel administratif un peu moins surchargé que les autres. Ce dernier doit écouter les élèves malades, tenter de deviner ce qui peut les soulager, puis les expédier chez eux pour que les parents les conduisent au dispensaire le plus proche. Les possibilités d’une gestion des urgences ou d’une médecine préventive en milieu scolaire sont ainsi réduites à néant faute d’infrastructures et d’équipements appropriés, de personnel compétent. Il devient ainsi difficile de lutter efficacement contre les phénomènes divers comme les transes qui sont devenues des faits divers en milieu scolaires ces dernières années, de mesurer pour anticiper les taux de prévalence de nombre de maladies qui se développent dans l’espace scolaire : maladies infectieuses diverses, maladies liées à l’alimentation ou aux conditions déplorables d’hygiène et de salubrité. Les risques d’intoxication et donc d’accidents médicamenteux dus aux erreurs de prescriptions faites par des profanes sont rarement évalués. Et parlant des conditions d’hygiène et de salubrité, les statiques montrent que celles-ci sont exécrables.
Les conditions dans lesquelles élèves et enseignants s’alimentent dans la plupart des établissements scolaires sont désastreuses.
Source : SNAES, « Enquête sur les conditions de travail des enseignants du secondaire dans la région de l’Ouest du Cameroun », novembre-décembre 2010
De ce tableau, il ressort que les enseignants s’alimentent dans des conditions questionnables et cela est forcément source d’insécurité sanitaire. Et si les enseignants ne sont pas déjà logés à bonne enseigne, l’on peut imaginer dans quelles désastreuses conditions les élèves vivent leur condition dans notre espace scolaire.
Un autre élément d’appréciation est celui des toilettes. Dans les 91 établissements où servent 4828 enseignants, l’on n’a pu dénombrer que 151 toilettes pour enseignants, dont 1/3 n’étaient des toilettes que de nom. L’état de ces toilettes était tel que la plupart des enseignantes avouent qu’elles préfèrent rentrer chez elles en cas de besoin irrépressible. Surtout que dans la plupart de ces établissements, il n’existe pas d’eau courante. A titre d’exemple, sur un échantillon de 76 établissements, 52 ne disposent pas d’eau courante, soit un pourcentage incroyablement élevé de 68,42%. Comment dans ces conditions empêcher les élèves, surtout au cœur de la saison sèche, de boire de l’eau souillée ? Comment les éduquer à se laver les mains avant les repas, après les toilettes et j’en passe ? Comment atteindre d’ici 2015 les OMD pour ce qui concerne la santé qaund le milieu scolaire s’apparente plus à un bouillon de culture qu’à autre chose ?
[1] Ces statistiques pourraient être difficilement démenties aujourd’hui d’autant qu’entre 2010 et 2012 les budgets des établissements scolaires, investissements et surtout fonctionnement ont été sévèrement amputés, pour les seconds de plus de 75%.
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