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Un ministère de la décentralisation et du développement local pour quoi faire ?

La décision présidentielle de mettre en place un ministère de la décentralisation peut paraître comme un pas dans la bonne direction. L’impuissance des Camerounais face au système les conduit de plus en plus à trouver du bon dans les moindres décisions présidentielles y compris celles qui n’apportent pas le moindre soulagement aux difficultés quotidiennes des laissés-pour-compte des interminables décennies du Renouveau. Les circonstances de l’institution de ce nouveau gadget permettent toutefois de tempérer un éventuel excès d’enthousiasme. Ce ministère a plus de deux décennies de retard sur le projet qu’il vient concrétiser ou accélérer. Il suffit de faire le compte depuis le 18 janvier 1996. Ce retard, ajouté à l’institution naguère des délégués du gouvernement, ne plaide pas en faveur d’une quelconque volonté du pouvoir central de laisser un peu de marge aux acteurs locaux. Cette décision, qui eût été il y a quelques années sans ambiguïté, intervient aujourd’hui dans un contexte de crise où la décentralisation comme solution à la mal gouvernance obstinée que vit le pays, hier considérée comme porteuse d’espoir, est de plus en plus suspecte de calculs politiciens. Il porte comme une volonté dissimulée de continuer à user tous ceux qui aspirent au changement véritable et non de surface. D’abord le temps de la mise en place de ses structures va justifier de nouveaux retards dans la mise en œuvre effective de la décentralisation. Les fonctionnaires de ce nouvel appareil de l’Etat vont contribuer à centraliser perversement un processus qui ambitionne justement le contraire et qui peine à s’extraire de la gangue de l’égoïsme du pouvoir central : ils vont se mêler de tout, entraver tout, tout corrompre, et en prime, consommer « improductivement » ou « contreproductivement » un budget de l’Etat déjà fort rachitique et irrationnellement alloué. C’est toute une nouvelle administration qui va se mettre en place avec ses démembrements, lesquelles vont nécessiter des infrastructures à édifier, des équipements à acquérir, du personnel à recruter, des gens qui vont se tourner les pouces et toucher un salaire alors que les salles de classes vont continuer à manquer d’enseignants et les hôpitaux de personnels qualifiés. Enfin, ce ministère est une réponse claire du président à tous ceux qui attendent encore un éventuel débat sur la forme de l’Etat, une réponse sous forme de fin de non recevoir. Cette réponse signifie, comme toujours, que le Président et ses hommes savent tout mieux que tout le monde, qu’ils ont toujours la meilleure solution à tout, qu’ils ne voient aucune raison de perdre du temps à en discuter avec qui que ce soit. C’est une posture très jacobine héritée de la tradition française pour qui le détenteur du pouvoir sait mieux que le peuple ce qui est bon pour le peuple. Je ne pense pas finalement que la création de ce ministère soit un signal aussi positif qu’il pourrait le paraître mais j’aimerais bien que la réalité démente a postériori ma réserve.

Roger Kaffo Fokou

 



24/03/2018
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