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VERS UN MONDE DE PLUS EN PLUS LIBERAL : A bas l’esclavage, vive l’asservissement volontaire de masse !

Par Roger KAFFO FOKOU, auteur de Capital, travail et mondialisation vus de la périphérie, l’Harmattan, 2011


Pour qui travaillez-vous ? Si l’on posait cette question à un panel de braves professionnels exerçant dans les secteurs les plus divers, l’on obtiendrait des réponses tout aussi diverses. Le fonctionnaire est convaincu qu’il travaille pour l’Etat, donc pour l’intérêt général, c’est-à-dire au final un peu pour lui-même. Dans le secteur privé, chaque employé croit savoir qu’il travaille pour les actionnaires de son entreprise, PME/PMI ou multinationale, et dans une certaine mesure il ne se trompe pas. Il faut pourtant franchir ce premier niveau et essayer de regarder en amont : pour qui travaille l’Etat pour lequel vous travaillez ? Et l’entreprise pour laquelle vous travaillez, au-delà de celui, celle ou ceux à qui elle appartient, pour qui travaille-t-elle ? Et si l’Etat (qui selon la fiction juridique internationale est souverain), de même que l’entreprise, n’étaient que des outils au service d’une même institution aux mille ramifications ? Cela serait trop gros pour la plupart des gens. Rappelez-vous le mot d’Hermann Goering : « Plus c’est gros, et plus ça s’avale ».  Dans l’hypothèse où une telle extravagance serait vraie, travaillant sans le savoir pour quelqu’un qui n’est qu’un prête-nom, un homme de paille, que serions-nous ? Quel serait notre statut personnel à chacun de nous ? Libres, esclaves conscients et consentants ou esclaves inconscients ?


De quelques principes et vérités élémentaires

L’homme naît libre, mais la société peut l’asservir.   Elle s’arrange même généralement pour l’asservir, avec ou sans son consentement. Un esclave, au sens premier, est une personne qui n’est pas de condition libre, qui est sous la puissance absolue d’un maître peu importe comment cela est arrivé ; au sens second, c’est une personne soumise à un pouvoir tyrannique, à une domination étrangère, à un gouvernement despotique ; c’est enfin une personne qui se soumet servilement aux volontés de quelqu’un d’autre.


Thomas Hobbes, qui était un réaliste pragmatique, pensait que la liberté est incompatible avec la faiblesse, et que par conséquent tous les faibles n’avaient pas d’autre choix que de se dessaisir volontairement de leur liberté entre les mains du despote, à charge pour ce dernier de les protéger… ou de les assassiner, souverainement. C’était en fait la théorisation du servage, institution féodale par excellence. Etienne de la Boétie en a fait le sujet de son célèbre et inoubliable discours de la servitude volontaire.


Des idéalistes au grand cœur et à la larme facile comme Rousseau vinrent inverser le paradigme et affirmèrent, en toute théorie, le pouvoir de la masse sur l’un.  L’on était en plein siècle des lumières et l’Europe, qui embarquait ses canons pour s’en aller allumer les ténèbres du monde périphérique, voulait s’auréoler du très saint prestige de la philosophie. Mais comme il s’agissait avant tout de bateaux marchands, la philosophie n’était qu’un mince vernis qui ne mit pas long à craquer, exposé aux feux assourdissants des canonnades civilisatrices. Quel est l’argument qui finalement emporta la décision et força à l’abolition de l’esclavage ?  


Il y avait l’argument moral. En France, l’article de l’Encyclopédie sur la « traite des nègres », rédigé en 1766, affirmait avec force que  « Cet achat de nègres, pour les réduire en esclavage, est un négoce qui viole la religion, la morale, les lois naturelles, et tous les droits de la nature humaine ». Ce n’avait pas été jusque-là l’avis des très saints pères de Sa très sainte Eglise mais enfin, passons. Il y avait aussi l’argument économique. Considéré comme moins productif que le travail libre, le système esclavagiste apparaissait aussi pour les économistes libéraux comme un frein au développement du marché intérieur. Adam Smith, un des plus grands prophètes du libéralisme, écrivait ainsi que « l'expérience de tous les temps et de tous les pays s'accorde, je crois, pour démontrer que l'ouvrage fait par des mains libres revient définitivement à meilleur compte que celui qui est fait par des esclaves. » La classe marchande déjà socialement majoritaire était plus que préparée à recevoir cet évangile avec les génuflexions d’usage. C’est pourquoi toute analyse faite, on peut dire que ce fut l’argument économique qui l’emporta.  


La première nation à abolir l’esclavage de façon nette et sans bavure fut en effet la plus marchande de l’époque : l’Angleterre. Les premières sociétés anti-esclavagistes y furent en effet fondées dès les années 1780. L’abolition de la traite n’y intervint officiellement qu’en 1807 à cause de l’opposition des Lords et des colons agriculteurs des colonies, qui avaient, comme l’on sait, en commun de n’être pas des lumières marchandes, et de vivre de la terre. C’était le Moyen Âge contre la révolution et tout naturellement cette dernière finit par l’emporter.  Les écarts de voix lors du vote de l'abolition de la traite au parlement anglais le 23 février 1807 lorsque Wilberforce obtint un vote favorable à celle-ci étaient significatifs : une large majorité, par 100 voix contre 36 à la chambre haute, mais une majorité écrasante, un raz-de-marée de 283 contre 6 à la chambre des Communes, laquelle était bourgeoise. Pour ne pas faire les choses à moitié, l’Angleterre alla plus loin et constitua une force, la British African Squadron, pour imposer l’abolition de la traite aux autres nations. Disposant du plus vaste empire colonial au monde, 33 millions de kilomètres carrés, elle fit néanmoins un pas de plus et y interdit l’esclavage en 1833. Comment expliquer ce paradoxe apparent ?


 

 

 

Le passage de l’esclavage à l’asservissement volontaire

On sait que l’empire britannique fut bâti sur le mode de l’indirect rule, c’est-à-dire du protectorat. Le cas manqué du Cameroun est à ce sujet exemplaire : le 8 mars 1881, le  roi Bell adresse au Consul anglais Hewett depuis la « Ville de Bell, Cameroun», cette supplique véritablement pathétique : « Cher Monsieur, je suis fatigué de gouverner mon pays […] Je vous demande pardon, faites tout ce que vous pourrez pour m’aider dans cette importante entreprise ». L’histoire l’a démontré à multiples reprises, ce « souverain malgré lui» n’était pas le seul de son époque à faire appel à plus puissant afin que l’on vînt le débarrasser d’une liberté qu’il semblait avoir le plus grand mal du monde à assumer. Installés donc comme protecteurs, bienfaiteurs en somme, les colons européens n’avaient plus théoriquement affaire à des esclaves, mais à des indigènes pour ne pas dire des pupilles. On ne pouvait rêver mieux. Dans la réalité, le statut de l’indigène – l’indigénat – était-il différent de celui de l’esclave ? Il était cependant plus pratique pour le protecteur parce que librement consenti en vertu du traité de protectorat.


 

Il y avait sans aucun doute des anti-esclavagistes sincères, idéalistes, et il est probable que des hommes tels William Wilberforce ou Thomas Clarkson en furent. L’abolition tombait néanmoins à pic parce que l’évolution des idées économiques avait démontré que cette institution ne pouvait plus servir de façon optimale l’économie marchande en expansion. Il apparut très rapidement que même le régime du protectorat ne faisait pas assez vite avancer la stratégie de la substitution de l’asservissement volontaire à l’asservissement forcé. Le subterfuge du protectorat en conséquence ne mit pas long à être rangé au placard des gadgets démodés. L’asservissement forcé comme institution génère en effet une instabilité chronique du fait de la volonté permanente de l’esclave de briser des chaînes qu’il rejette parce qu’il est conscient qu’elles lui ont été imposées. Et cela est préjudiciable au climat des affaires. L’esclave volontaire a choisi ses chaînes et peut même, avec un peu d’imagination et si on l’y aide un tantinet, les considérer comme un ornement, un privilège que lui accorde le maître qu’il s’est choisi. Lorsque les forces anticoloniales émergèrent au début du XXè siècle et commencèrent à empoisonner le climat des affaires, il était temps de passer à une forme nouvelle, qui comme les précédentes était taillée pour protéger l’essentiel, c’est-à-dire la pratique de l’esclavage.


Dans Capital, travail et mondialisation vus de la périphérie, nous attirons l’attention sur cette transition :


« La fin du XVIIIè siècle et le XIXè siècle qui virent l’abolition complète de l’esclavage correspondaient en même temps au triomphe de la révolution industrielle et à celui des idées sociales. Parti du Danemark en 1792, le mouvement d’abolition devait se clôturer au Brésil en 1888. Dès 1926, la Société des Nations se forge un instrument politique international majeur à travers la Convention internationale sur l’esclavage qui sera reprise dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Tandis que l’industrie occidentale tourne à plein régime pour ravitailler la planète et que les capitalistes ne rêvent, comme dirait Marx, que de maximiser la plus-value, les travailleurs du centre ont commencé à s’organiser politiquement et socialement, ruinant toutes les possibilités pour le capital de transformer l’ouvrier en un simple rouage de la monstrueuse machine de production. Ces démarches, malgré les résistances farouches du capitalisme, donnent socialement naissance au mouvement syndical,  politiquement à la naissance des partis de gauche. Sous sa forme la plus barbare, le vieil esprit esclavagiste s’est recyclé dans le pacte colonial mais la seconde guerre mondiale qui propulse les Etats-Unis au premier rang de l’économie mondiale le condamne à brève échéance. Va-t-on assister véritablement à la fin de l’utilisation de l’homme par l’homme ?


« Pour le capitalisme qui entend donner la preuve de sa supériorité absolue sur toute autre forme d’organisation de la société, la réponse est officiellement positive. Derrière la philosophie des droits de l’homme, toute une législation internationale des droits de l’homme se déploie, multiplie les conventions sur les droits civils et politiques, les droits sociaux et économiques, puis les droits culturels. Parallèlement cependant, tout un pan de l’économie libérale se ménage une confortable clandestinité dans laquelle elle prospère grâce à de nouvelles formes souterraines d’esclavage »[1].

Désormais, officiellement, il n’y a plus d’esclaves, il n’y a plus de colonisés nulle part au monde. Il n’y a plus que des hommes libres et tout le monde peut être content de tout le monde. Dans le fond, l’on est passé de l’asservissement forcé à la liberté apparente, de l’esclavage forcé à la servitude volontaire,  ce statut qui progressivement devient le lot commun des masses à travers le monde y compris au centre, même si à des degrés divers.


La société libérale telle qu’elle est : votre liberté contre un quignon de pain

En transformant dans sa nature même le travail, le progrès scientifique et technique en a fait un bien industriel, hautement normé et « technologisé »,  de plus en plus rare, soumis à la loi de l’offre et de la demande, et susceptible d’un contrôle et d’une appropriation monopolistique. Deux facteurs se sont ensuite conjugués pour en faire une arme entre les mains des puissances d’argent : la production assistée par ordinateur et la croissance démographique. C’était un progrès significatif dans la réalisation d’une ambition chère au cœur du capitalisme : dans l’impossibilité de transformer l’homme en machine, humaniser de plus en plus la machine pour à terme se passer du travail humain, et ainsi réduire l’homme à l’inutilité.  


Dans la société actuelle où le capital a le choix entre le confier aux machines-robots ou délocaliser vers des réservoirs de main-d’œuvre bon marché, le travail est en train de cesser d’être un droit pour devenir un privilège, une faveur. Et comme tous les privilèges, il doit se mériter par la soumission, la servilité. Lorsque l’on ouvre une compétition pour 25.000 postes dans une administration ou entreprise, plus de 400.000 dossiers s’y bousculent instantanément, soit une moyenne de 16 personnes pour un poste ! Et lorsqu’une personne sur les 16 est finalement recrutée, en regardant les 15 autres concurrents rejetés dans le chômage et la misère, elle ne risque pas d’oublier quelle chance elle a eue et se garde bien de compromettre celle-ci par d’éventuels actes de contestation. La reconnaissance s’exprime donc de plus en plus par une attitude d’extrême soumission, pour tout dire d’asservissement volontaire.


Dans un pays comme le Cameroun, le travail est même devenu une prébende confiée à une aristocratie étroite qui en fait une gestion familiale ou fraternelle. Des cercles de soumission se sont créés et le réseau des gurus s’organise pour se partager et réserver aux siens les secteurs les plus lucratifs et les plus « nobles » grâce au système de parrainage. Il y a 20 ans, le parrainage constituait une exception : il est devenu la règle. L’illustration du côté pervers d’une telle pratique nous vient du barreau. La profession d’avocat est par définition libérale : l’avocat s’installe à ses propres frais, cherche ses clients, se fait payer, et ensuite paie ses impôts. Il ne risque donc à aucun moment de représenter une charge pour l’Etat, au contraire. Alors, pourquoi l’Etat camerounais limite-t-il l’accès à cette profession en instituant un système de parrainage médiéval au concours du barreau dans le même temps qu’il forme des milliers de juristes et les déverse dans la rue et le chômage chaque année ? Cette même analyse est valable pour les pharmaciens et bien d’autres corps. Il s’agit au bout du compte de restreindre au maximum l’offre d’emplois pour en faire des biens de plus en plus rares, de déséquilibrer l’offre et la demande d’emplois pour en faire des privilèges que le chômeur est prêt à négocier à n’importe quel prix, y compris au prix de sa liberté.


Le citoyen type de notre charmante cité libérale est donc de moins en moins libre, de plus en plus soumis, au point de devenir esclave. Dans la mesure où il est admis que l’un des fondements essentiels de la démocratie libérale en dehors de l’individualisme est la liberté, peut-on encore dire de telles sociétés qu’elles sont démocratiques ou libérales ? Quand un citoyen n’a plus le choix qu’entre exprimer sa liberté et mourir de faim, ou se soumettre et conserver son bout de pain, parce que la gestion du pain est devenue l’affaire d’une oligarchie de plus en plus réduite et puissante, c’est que la société est arrivée soit en fin de cycle, soit en fin de parcours. Dans un pays riche comme les Etats-Unis, 1 % de la population détient 24 % des richesses nationales aujourd’hui, contre 7 % en 1970. Dans le reste du monde, ce rapport est probablement encore plus scandaleux. Des fortunes immenses et insolentes se bâtissent sur le dos des masses. Les Etats en proie au chantage des financiers et des industriels cèdent et se font complices de l’organisation du chômage de masse (réduction des effectifs des fonctions publiques) et du démantèlement des protections sociales. Les travailleurs fragilisés et apeurés désertent les syndicats, ruinant du même coup les dernières chances de résister au rouleau compresseur en marche.  

La société néolibérale est en passe de réussir l’un des coups les plus fantastiques de son histoire comme de l’histoire de l’humanité : transformer la liberté en bien économique négociable sur le marché au même titre que n’importe quel bien. Voulez-vous du travail ? Très bien : vous avez la chance d’avoir en votre possession  quelque chose qui nous intéresse : votre liberté ; vendez- la nous et le poste est à vous. A moins que vous ne vouliez mourir librement de faim ? Devant la nécessité, les résistances sont en train de s’effondrer et de plus en plus de gens sont en train de céder à la tentation de la servitude volontaire. Si nous admettons que la liberté est la meilleure part de l’homme, que nous reste-t-il quand nous avons bradé notre liberté contre un bout de pain ? Ce qu’il y a de pire en nous : notre animalité. Pouvons-nous, comme le professeur Fukuyama, faire l’impasse sur ce tableau idyllique et affirmer que « il n'y a pas meilleur modèle d'organisation politique que la démocratie libérale » ? En d’autres termes, devons-nous nous accoutumer à notre asservissement au point de trouver celui-ci agréable ?


Il n’y a aucun avenir humain dans la servitude, fût-elle volontaire

Nous avons dit que nous tous sommes des esclaves travaillant pour un maître que peu connaissent. Et c’est pour cela que nous avons si peu le sentiment d’être des esclaves, parce qu’il n’y a pas d’esclave sans maître. Aussi faut-il commencer par clarifier ce point.


Dans une interview récente sur une chaîne de télévision locale, un grand entrepreneur, industriel camerounais apparemment plein de promesse, se plaignait amèrement de ce qu’il travaillait comme un nègre au profit des banquiers. Lui le grand patron admiré et surtout craint de ses employés, apparaissait pour l’occasion sous son jour véritable, comme ce qu’il est en réalité : un simple employé au service de son ou de ses banquiers. Vis-à-vis des banques, l’Etat est-il dans une meilleure posture ? Point du tout : il faut savoir que l’Etat ne fabrique pas de l’argent et utilise par conséquent de la monnaie bancaire ; que ses dépenses la plupart du temps précèdent ses recettes, ce qui l’oblige à fonctionner à découvert et le place à la merci de son banquier. Ce dernier place donc son argent à l’Etat pour les besoins de fonctionnement et d’investissement public et en retire de confortables bénéfices. Et quand son banquier le décide, l’Etat augmente ou réduit votre salaire. Les plans d’ajustement structurel imposés par le FMI ici et là à travers le monde illustrent parfaitement notre propos : les banquiers commencent par pousser les Etats à un endettement massif (les raisons ne manquent pas et il n’y a qu’à méditer ce qui s’est passé en Grèce avec l’assistance technique éclairé de la banque d’affaires Goldman Sachs), puis imposent des réductions d’effectifs et de salaires afin de réserver l’essentiel des budgets publics au paiement de la dette et de son service, s’emparent au franc symbolique d’un secteur productif public et parapublic constitué péniblement à la sueur du front du contribuable … Vous commencez à comprendre que de manière indirecte vous travaillez pour le banquier de votre Etat n’est-ce pas ? Et que sans en donner l’air celui-ci vous tient et détermine votre niveau de vie : s’il augmente ses taux d’intérêts, il alourdit les frais financiers à la charge de l’Etat et ce dernier a proportionnellement moins à vous donner, à investir pour votre bien-être. Il peut même se trouver obligé de vous licencier ou de ne pas vous donner du travail. Et si vous en mourez, cela n’est pas bien grave, nous sommes désormais plus 7 milliards sur la planète. Les banques sont des monstres froids et Brecht avait décidément mille fois raison de dire que c’est un plus grand crime de créer une banque que d’en dévaliser une. Alors, vous dites-vous, pourquoi l’Etat accepte-t-il une chose aussi inadmissible ?  


La réponse est surprenante de simplicité : parce que vous, vous êtes prêts à en accepter les conséquences. C’est votre soumission servile en aval anticipée qui conditionne la soumission en amont de l’Etat au diktat du banquier. Il y aura bien un moment où votre banquier aura pitié de votre misère et fera un geste pour l’alléger ? Erreur : cette institution-là ne connaît pas la pitié. La misère vous déshumanise, vous animalise et vous transforme en un élément d’un troupeau que l’on peut conduire sans risque, y compris à l’abattoir. Avez-vous remarqué avec quel enthousiasme les masses s’enrôlent dans l’armée en temps de crise et de misère ? Prêtes pour les grandes boucheries. La dernière grande boucherie a fait pas moins de 45 millions de morts et encore plus de blessés. Les armes étaient encore au stade rudimentaire (Des jouets d’enfants, comparées aux petites merveilles qui se vendent aujourd’hui.) La prochaine règlera certainement les problèmes de surpopulation qui pointent à l’horizon. Comme chacun de nous peut d’ores et déjà le voir, notre planète mondialisée et néolibérale, si elle continue sur la lancée actuelle, ne sera bientôt peuplée que d’animaux à visages humains, mûrs pour tout genre de sacrifice. Autant dire que nous sommes promis à un bel avenir.



[1] Capital, travail et mondialisation vus de la périphérie, l’Harmattan, 2011, pp. 168-169



07/11/2011
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